Doctrina OHADA

La ley de Camerún del 10 de diciembre de 2010 sobre arrendamiento en virtud de la legislación de OHADA y CEMAC

Yvette Rachel KALIEU ELONGO 
Professeur agrégée de droit privé 
Université de Dschang – Cameroun

La pratique a précédé la loi. C’est ce que l’on peut dire du crédit-bail qui est réglementé au Cameroun depuis cinq ans à peine, plus précisément depuis décembre 2010, alors qu’il y était déjà pratiqué depuis plusieurs années . Il est vrai que cette pratique restait assez timide et que l’expansion véritable du crédit-bail se heurtait à divers obstacles dont un obstacle psychologique . L’absence d’un régime complet du crédit-bail sans être un obstacle dirimant pouvait, à certains égards, être considérée aussi comme un frein. La loi camerounaise du 10 décembre 2010 peut, dès lors, être considérée comme une avancée considérable.

Le crédit-bail ou leasing en anglais, est une opération qui permet à une personne appelée crédit-bailleur d’acquérir des biens qu’elle loue à un locataire appelé crédit-preneur avec possibilité pour ce dernier d’acquérir la propriété du bien à la fin de la période de location. Le mécanisme habituellement utilisé se présente comme suit. Une entreprise – généralement commerciale ou industrielle – désire acquérir du matériel professionnel. Elle ne dispose pas de moyens financiers pour l’acheter au comptant et elle ne souhaite pas obtenir un crédit classique pour l’acquérir. Elle contacte un établissement de crédit-bail – généralement un établissement de crédit- qui acquiert le matériel auprès d’un fournisseur selon les spécifications du futur locataire et le met à sa disposition. L’établissement de crédit est le crédit-bailleur ou bailleur et l’entreprise qui acquiert le matériel est le locataire ou crédit- preneur. Cette dernière paiera un loyer en contrepartie de la mise à disposition du matériel et bénéficiera de la possibilité de devenir propriétaire à l’issue de la période de location. 

Si son utilité est certaine , le crédit-bail se caractérise pourtant par sa nature hybride. Il est à la fois une technique de financement et un mécanisme de garantie. 

Le crédit-bail est d’abord une technique de financement. En cela, il constitue une opération de crédit et précisément un crédit à moyen ou long terme. L’achat de matériels par l’établissement de crédit-bail représente une forme de prêt accordé à l’entreprise. Pour le locataire, cette forme de crédit est plus avantageuse que d’autres pour plusieurs raisons : absence de lourdeur des formalités, non limitation du montant du crédit, non exigence d’un apport personnel de fonds propres. 

Le crédit-bail est ensuite un mécanisme de garantie. La propriété conservée garantit le bailleur contre le non remboursement éventuel des différentes mensualités de loyers. Mais, s’il est admis comme technique de garantie, le crédit-bail n’est pourtant pas une sûreté .
Cette nature hybride ajoutée à la spécificité du mécanisme justifie la soumission du crédit-bail à diverses règles principalement celles du droit bancaire, du droit commercial général et du droit des procédures collectives. Partant, il relève aussi bien du droit communautaire de la CEMAC que du droit uniforme de l’OHADA. 

Le crédit-bail n’est pas inconnu de la législation bancaire CEMAC. Il y est réglementé en tant qu’opération de crédit . L’article 3 du Règlement COBAC R-2009/02 du 1er avril 2009 portant fixation des catégories des établissements de crédit, de leur forme juridique et des activités autorisées, après avoir défini l’opération de crédit , dispose in fine que « Sont assimilés à des opérations de crédit, le crédit-bail et de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat » . Le crédit-bail est également réglementé par l’article 10 du Règlement n°01/02/CEMAC/ UMAC/ COBAC du 26 janvier 2002 relatif aux conditions d’exercice et de contrôle de l’activité de microfinance dans la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale qui dispose que « Les opérations autorisées à titre accessoire comprennent (…) les opérations de crédit-bail ». 

La législation OHADA pour sa part, traite du crédit-bail dans l’AUPCAP et l’AUDCG . L’AUDCG en ses articles 34 et 35 prévoit l’inscription des contrats de crédit-bail au RCCM. L’inscription est prise par le crédit-bailleur ou par le crédit-preneur auprès du greffe de la juridiction compétente du lieu d’immatriculation, du lieu de déclaration ou du domicile du crédit-preneur ou encore, en application de l’article 70 auprès du greffe de la juridiction spécialement désignée à cet effet. L’AUPCAP pour sa part, envisage le crédit-bail aux articles 101 et suivants qui traitent de la revendication du bien par le crédit-bailleur en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens contre le crédit-preneur.

Toutefois, qu’il s’agisse du droit bancaire CEMAC ou des actes uniformes OHADA, aucune de ces législations n’a organisé complètement le crédit-bail, ce qui n’était pas, du reste, leur objectif . Aucun des textes cités ne définit la notion de crédit-bail ni n’en fixe le régime. Les dispositions qu’ils contiennent sont donc manifestement insuffisantes pour réguler cette opération. 
La législation camerounaise sur le crédit-bail se veut donc une législation générale qui appréhende l’opération dans tous ses aspects . A l’observation, il apparaît que cette loi comble certaines lacunes des textes existants en ce qu’elle élabore un régime quasi-complet du crédit-bail (I). Pourtant, il faut également admettre qu’elle loi laisse persister certains vides (II).

I. Les lacunes comblées par la loi : l’élaboration d’un régime quasi-complet du crédit-bail
A travers ses diverses dispositions, la nouvelle loi comble naturellement les insuffisances du droit antérieur. Non seulement elle encadre véritablement l’opération de crédit-bail (A), mais également elle détermine de manière quasi-exhaustive les droits et obligations des parties (B).

A- L’encadrement de l’opération de crédit-bail 
Cet encadrement passe tant par une définition du crédit-bail qui jusque-là n’existait pas (1) que par les précisions apportées relativement à la mise en œuvre de l’opération (2).

1. Par la définition du crédit-bail
Désormais, le crédit-bail fait l’objet d’une définition légale en droit camerounais. Celle-ci est contenue dans l’article 3 de la loi de 2010 qui dispose : « Le crédit-bail est une opération de crédit destinée au financement de l’acquisition ou de l’utilisation des biens meubles ou immeubles à usage professionnel. Il consiste en la location des biens d’équipement, de matériel, d’outillage ou de biens immobiliers à usage professionnel, spécialement achetés ou construits, en vue de cette location, par des entreprises qui en demeurent propriétaires. Ces opérations de location, quelle que soit leur dénomination, donnent au locataire la faculté d’acquérir, tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu, tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers ». 

Il ressort de cette définition que le crédit-bail est une opération de crédit. Par conséquent, il est soumis, sauf dérogation, aux règles applicables aux opérations de crédit qui sont, pour l’essentiel, issues de la législation bancaire CEMAC précédemment rappelée. Cette définition précise aussi le domaine du crédit-bail qui peut être mobilier ou immobilier . La nature mobilière ou immobilière de l’opération emporte des conséquences sur les mesures de publicité et les règles de transfert de propriété. Cette disposition rappelle par ailleurs que le crédit-bail ne peut être utilisé que dans le cadre des activités professionnelles du crédit-preneur, ce qui rejoint l’idée qu’il est une technique de financement des entreprises . On pourrait ajouter que le crédit-bail y est caractérisé par deux éléments que sont la location et l’option d’achat offerte au crédit-preneur. 

Au-delà des clarifications qu’elle apporte, cette définition pourra servir de référence pour l’application des autres règles relatives au crédit-bail spécialement celles contenues dans les actes uniformes ou dans la législation CEMAC. 

La loi ne définit pas seulement l’opération de crédit-bail, elle définit aussi, de manière assez inattendue, le contrat de crédit-bail lui-même. C’est une « convention dans laquelle le crédit-bailleur donne en location pour une durée ferme et moyennant paiement de loyers au crédit-preneur, des biens acquis par le crédit-bailleur sous indication du crédit-preneur. A cet effet, il est laissé à ce dernier la possibilité d’acquérir à la fin de la convention tout ou partie des biens loués à un prix convenu, tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers ». Cette définition fait, à notre avis, double emploi avec la définition précédente puisqu’il est évident que l’opération de crédit-bail ne peut résulter que d’une convention entre deux parties que sont le crédit-preneur et le crédit-bailleur. 

La loi va encore plus loin en définissant les parties à l’opération que sont le crédit-bailleur et le crédit-preneur. En précisant que le crédit-bailleur est tout établissement de crédit ou de micro-finance qui finance les opérations de crédit-bail, cette loi se conforme aux règlements CEMAC précités qui autorisent l’exercice de l’activité aussi bien par les établissements de crédit que par les EMF . Le crédit-preneur, quant à lui, est toute personne physique ou morale qui utilise les biens loués pour les besoins de son activité professionnelle. Le crédit-bail est donc réservé au financement des activités professionnelles . Peu importe que l’activité soit commerciale, industrielle ou libérale, qu’elle soit exercée à titre individuel ou sociétaire. 

Après avoir défini le crédit-bail, c’est tout logiquement que la loi précise les règles de mise en œuvre de l’opération.

2. Par les précisions relatives à la mise en œuvre du crédit-bail
La nouvelle loi contribue à coup sûr à la détermination des règles de formation et de dénouement du crédit-bail. 
S’agissant de la formation, l’article 4 précise d’abord que le crédit-bail est nécessairement un contrat écrit qui peut être sous seing privé ou notarié. La forme notariée s’impose pour le crédit-bail immobilier. L’écrit doit obligatoirement comporter, à peine de nullité, certaines mentions que sont la durée du crédit-bail, le montant et le nombre des loyers, l’échéancier de paiement des loyers, l’option d’achat offerte au crédit-preneur en fin de contrat, le prix de levée d’option d’achat du bien loué. En plus de ces mentions obligatoires, le contrat peut contenir diverses autres clauses facultatives . Le contrat doit ensuite être publié par son inscription au RCCM pour le crédit-bail mobilier ou au livre foncier du lieu de situation de l’immeuble pour le crédit-bail immobilier. L’accomplissement de cette formalité qui incombe au crédit-bailleur ou au crédit-preneur se fait conformément aux dispositions de l’AUDCG auxquelles la loi fait expressément renvoi. Le contrat régulièrement inscrit est opposable aux tiers à compter de la date d’inscription pour toute la durée du contrat. 

Même si la loi de 2010 ne le précise pas expressément, l’inscription permet également, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, que le bailleur puisse être personnellement invité, en qualité de créancier inscrit, à produire sa créance ( article 79 AUPCAP). Par ailleurs, son accomplissement n’exonère pas les parties des obligations de publicité propres à toute opération portant sur les biens objet du crédit-bail. En plus des mesures de publicité, l’article 29 al.2 reconnaît aussi au crédit-bailleur le droit de sécuriser le matériel pendant la durée du contrat par l’apposition d’un cachet spécial sur le certificat de propriété du bien loué.

Pour ce qui est du dénouement du crédit-bail, il peut intervenir avec ou sans incident. 

Il est sans incident lorsqu’à l’arrivée du terme convenu et conformément à l’article 52, le crédit-preneur opte pour l’une des possibilités qui lui sont offertes . En effet, à l’arrivée du terme de location, le preneur peut soit renouveler le contrat, soit restituer le matériel soit décider d’en devenir propriétaire en levant l’option d’achat. Dans ce dernier cas, il doit payer un prix résiduel car les loyers payés sont pris en compte dans la détermination du prix de la chose.

Le dénouement comporte des incidents s’il y a défaillance du preneur avant l’arrivée du terme de location. La loi a consacré à cette hypothèse quelques dispositions qu’il faut combiner avec les règles de droit commun. En cas de survenance d’une procédure collective, le crédit-bail, en tant que contrat en cours, ne peut être résolu de plein droit par le crédit-bailleur. L’article 54 (1) dispose d’ailleurs clairement qu’ « Une procédure collective engagée contre le crédit-preneur n’entraîne pas d’office la rupture du contrat de crédit-bail ». Seul le syndic décidera ou non de la continuation du contrat. En cas de continuation, le crédit-bailleur sera à la fois créancier antérieur et créancier postérieur et bénéficiera des protections accordées aux différentes catégories de créanciers. L’article 54 en ses alinéas 2 et 3 semble pourtant prévoir des dispositions dérogatoires à ces règles de droit commun en disposant que : « ( (2) Dans cette hypothèse), le crédit-preneur a la possibilité de poursuivre l’exécution de ses obligations conformément aux termes du contrat, étant entendu que tous les loyers dus au titre du contrat de crédit-bail à la date d’ouverture d’une procédure collective du crédit-preneur, échus ou à échoir, sont payables selon leurs montants et leurs dates d’exigibilité conformément aux conditions générales et particulières du contrat de crédit-bail. (3) Si le crédit-preneur soumis à la procédure collective ne peut continuer à honorer ses engagements, le crédit-bailleur a la faculté d’user de tous les recours prévus dans le contrat de crédit-bail et dans la présente loi ».

L’encadrement de l’opération de crédit-bail est complété par la détermination des droits et obligations des parties.

B- La détermination des droits et obligations des parties au contrat de crédit-bail
Reprenant la pratique en la matière tout en s’inspirant du droit étranger, la loi de 2010 détermine de façon quasi-complète les droits et obligations du crédit-bailleur et du crédit-preneur. Elle n’ignore pas toutefois le caractère triangulaire de l’opération de crédit-bail qui fait intervenir le fournisseur auprès duquel le crédit-bailleur acquiert le bien objet du contrat . C’est la raison pour laquelle quelques dispositions sont consacrées au fournisseur dans ses relations avec les autres parties . Si l’importance de ces relations ne peut être ignorée, elle occupe cependant une place moindre. C’est ce qui justifie que la loi ait consacré plus de dispositions à la définition des droits et obligations du crédit-bailleur (1) et du crédit-preneur (2).

1. La systématisation des droits et obligations du crédit-bailleur
La législation camerounaise sur le crédit-bail reconnaît de nombreux droits, garanties et privilèges au crédit-bailleur. 
Le crédit-bailleur a d’abord tous les droits tenant à sa qualité de propriétaire. Il conserve la propriété du bien pendant toute la durée du crédit-bail et même après son extinction à moins que le preneur ne lève l’option d’achat . C’est pourquoi le crédit-bail est proche de la clause de réserve de propriété . En effet, « la garantie principale du crédit-bailleur repose sur le droit de propriété » . Et parce qu’il est propriétaire, le crédit-bailleur jouit pendant la durée du crédit-bail de tous les droits légaux attachés au droit de propriété sans en supporter toutefois toutes les obligations . 
Le crédit-bailleur bénéficie aussi d’autres droits de moindre importance comme le droit de visite, le droit de céder tout ou partie des privilèges, droits et obligations issus du contrat sans le consentement du crédit-preneur, à charge pour lui de l’en informer par tout moyen ou encore le droit aux indemnités d’assurance prévu par l’article 28 .
Le contrat de crédit-bail peut, en plus des droits légaux, conférer d’autres droits au crédit-bailleur. Celui-ci bénéficie même d’un privilège légal dont l’utilité peut être discutée si ce n’est qu’’il confère une protection excessive au crédit-bailleur qui se trouve déjà très souvent en position économique de domination par rapport au preneur. Les contrats de crédit-bail sont en plus des contrats pré rédigés par les établissements de crédit-bail et proposés aux clients c’est-à-dire en fait des contrats d’adhésion.
A ces droits, s’ajoutent les garanties et privilèges reconnus au crédit-bailleur et qui ont pour but de lui assurer le recouvrement de sa créance ou de son bien en cas de défaillance du crédit-preneur.

En premier lieu et s’inspirant de l’AUPSRVE , la loi accorde au crédit-bailleur le droit à l’exécution forcée en cas de défaillance du crédit-preneur ainsi que le droit de recourir à l’injonction de restituer pour rentrer en possession de son bien ou de prendre des mesures conservatoires de saisie sur les biens meubles ou immeubles du crédit-preneur . En second lieu, le crédit-bailleur bénéficie des garanties qui découlent du droit des procédures collectives. L’article 21 rappelle à juste titre le droit de revendication du crédit-bailleur en disposant que « lorsque le crédit-preneur, qui n’a pas payé un ou plusieurs termes des loyers fait l’objet d’une procédure collective judiciaire, le crédit-bailleur ne peut revendiquer le bien loué que dans les conditions prévues par les articles 101 et suivants de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif » . L’exercice du droit de revendication fondé sur le droit de propriété du crédit-bailleur est bien sûr exclusif de toute autre poursuite exercée sur le bien . Mais, l’exercice de la revendication suppose au préalable la production de la créance conformément aux articles 78 et sv. AUPCAP . Cette production porte sur le montant des loyers échus et non réglés au moment de l’ouverture de la procédure. Lorsque la sûreté aura été inscrite comme cela est d’ailleurs exigé, les créanciers seront personnellement invités à produire leurs créances conformément à l’article 88 AUPCAP.

En contrepartie de ses droits, seules quelques obligations sont mises à la charge du crédit-bailleur .
Il est essentiellement tenu à l’égard du crédit-preneur de garantir une jouissance paisible du bien loué. C’est la garantie d’éviction qui ne couvre cependant que les troubles de jouissance survenus de son fait, du fait de ses ayants droit ou de ses préposés. Malgré sa qualité de propriétaire du bien, le crédit-bailleur n’est tenu ni de la garantie des vices cachés ni de l’obligation d’entretien de la chose louée. En cas de non respect de ses obligations, le crédit-bailleur engage uniquement sa responsabilité contractuelle à l’égard du crédit-preneur .

2. L’énumération des droits et obligations du crédit-preneur
Comme pour le crédit-bailleur, la loi a précisé aussi bien les droits que les obligations du crédit-preneur.
Le législateur rappelle d’abord les droits essentiels du crédit-preneur. Celui-ci dispose, à titre principal, d’un droit d’option. Prévu par l’article 52 , c’est le droit pour lui de devenir propriétaire de la chose à l’issue de la période de location en levant l’option d’achat soit sous la forme prévue au contrat soit par lettre recommandée adressée au crédit-bailleur quinze jours au moins avant la date d’expiration du contrat soit par le paiement de la valeur résiduelle du bien au crédit-bailleur avant l’extinction de la période de location. Le crédit-preneur acquiert de plein droit la propriété du bien loué dès la date où intervient la levée d’option sauf clause contractuelle contraire. Le transfert de propriété quant à lui s’effectue dans les conditions de droit commun en fonction de la nature du bien. A ce droit fondamental, s’ajoutent d’autres droits tels que le droit d’usage et de jouissance à compter de la date de livraison du bien et pendant toute la durée de la location, le droit de céder tout ou partie des droits issus du contrat s’il a préalablement obtenu le consentement écrit du crédit-bailleur ou encore le droit d’agir en réparation contre le bailleur en cas de défaillance de celui-ci dans l’accomplissement de ses obligations légales ou contractuelles.

Ensuite, la loi énumère les obligations du preneur qui sont plus lourdes que celles du bailleur. La principale est celle de payer les loyers qui représentent la contrepartie du droit d’usage et de jouissance. En cas de défaut de paiement, le crédit-bailleur dispose de plusieurs options légales : il peut laisser le bien au crédit-preneur et exiger le paiement des loyers échus et le paiement anticipé des loyers à échoir ainsi que le prix de la valeur résiduelle du bien au terme de la période ferme de location ; il peut récupérer le bien, ce qui vaut résiliation du contrat et éventuellement exiger du preneur, des pénalités prévues dans le contrat ou, à défaut, des dommages-intérêts fixés par la juridiction compétente. Toutes ces mesures doivent néanmoins être précédées d’une mise en demeure préalable dans les conditions de droit commun. D’autres obligations se greffent à cette obligation principale comme les obligations d’entretien , de conservation et de restitution du bien. Le crédit-preneur doit exploiter le bien loué en bon père de famille en veillant à sa bonne conservation et en l’exploitant dans les conditions normales. Il doit aussi le maintenir dans l’état où il a été livré, compte tenu de l’usure consécutive à l’usage normal. La conservation du bien peut nécessiter qu’il soit spécialement entretenu conformément aux dispositions contractuelles ou suivant les exigences du fabricant. L’obligation de restitution intervient au terme de la période de location lorsque le crédit-preneur n’a pas levé l’option d’achat ou n’a pas renouvelé le contrat de location. Si le crédit-bailleur estime que le bien a fait l’objet d’un mauvais usage ou d’un mauvais entretien au regard de son état, il le reçoit en émettant des réserves qu’il communique de suite au crédit-preneur qui dispose d’un délai bref de trois jours ouvrables pour donner suite aux dites réserves. Le crédit-bailleur peut refuser de recevoir le bien et saisir le cas échéant la juridiction compétente afin d’engager la responsabilité contractuelle du crédit-preneur qui est par ailleurs responsable de la perte, du vol et de la détérioration du bien. Il répond aussi des dommages causés aux tiers du fait de la possession ou du fonctionnement du bien loué et peut couvrir sa responsabilité par une police d’assurance contractée auprès d’une société agréée par le crédit-bailleur. S’il détourne le bien ou refuse de le restituer ou de le représenter, il s’expose aux sanctions prévues par l’article 318 du code pénal .

Toutes les lacunes comblées par la loi sont quelque peu ternies par les confusions dont certaines de ses dispositions sont à l’origine.

II. Les vides laissés par la loi : la clarification insuffisante du statut des établissements de crédit-bail 
S’il y a une insuffisance que l’on peut relever dans la nouvelle législation camerounaise, c’est bien le statut des établissements de crédit-bail. Ce statut aurait certainement mérité, au regard de son intérêt, plus d’attention : une uniformisation ou, à tout le moins, plus de clarification.
Les particularités que comporte indéniablement le crédit-bail justifient que son exercice soit réservé à certains acteurs uniquement. C’est pourquoi, allant dans le même sens que les législateurs étrangers, le législateur camerounais limite l’exercice de l’activité de crédit-bail à des établissements spécialisés. Mais, contrairement à d’autres pays, où le crédit-bail est pratiqué uniquement par les établissements de crédit, la loi camerounaise prévoit que le crédit-bail peut être pratiqué aussi bien par les établissements de crédit que par les établissements de microfinance (EMF). Si l’extension de l’activité de crédit-bail aux EMF s’imposait pratiquement au législateur camerounais (A), on peut regretter que la nouvelle loi ne contienne pas suffisamment d’éléments d’élaboration d’un statut unificateur des différents établissements de crédit-bail (B).

A- La disparité de statut des établissements de crédit-bail, conséquence de l’extension du crédit-bail aux établissements de microfinance
Tel qu’organisé par la loi camerounaise, le crédit-bail peut être pratiqué tant par les établissements de crédit que par les EMF . Ce faisant, la loi camerounaise n’a pas véritablement innové. Elle s’est simplement conformée à la législation bancaire CEMAC et en particulier au Règlement du 1er avril 2009 relatif aux formes juridiques des établissements de crédit et des activités autorisées et au Règlement du 26 janvier 2002 relatif aux conditions d’exercice et de contrôle de l’activité de microfinance dans la CEMAC. L’article 10 de ce second Règlement dispose : « Les opérations autorisées à titre accessoire comprennent : (…) les opérations de crédit-bail ». Les établissements de crédit et de microfinance sont donc légalement autorisés à exercer des activités de crédit-bail.
S’agissant des établissements de crédit, seule une catégorie peut pratiquer le crédit-bail. Il s’agit des établissements financiers qui se distinguent des autres établissements de crédit en ce qu’ils ne peuvent pas recevoir de fonds du public à vue ou à moins de deux ans de terme . Habituellement, leurs sources de financement sont constituées des fonds propres et des emprunts auprès d’autres établissements ou de la banque centrale. Ils peuvent également faire appel public à l’épargne s’ils sont côtés en bourse. Ces établissements se caractérisent aussi par leur capital social minimum . En général, il s’agit de filiales d’établissements bancaires spécialisés dans le crédit-bail .
Pour ce qui est des EMF, rien ne s’oppose, sur le principe, à l’exercice de l’activité de crédit-bail par ces établissements dès lors qu’ils y sont autorités par la COBAC. Toutefois, l’extension du crédit-bail à cette catégorie d’acteurs bancaires peut donner lieu à quelques difficultés. La première vient de ce que l’activité de crédit-bail ne peut être exercée par les EMF qu’à titre accessoire alors que pour les établissements de crédit, elle constitue une activité principale. La seconde, et la plus importante, résulte de ce qu’il existe plusieurs catégories d’EMF qui répondent à des critères différents de classification en fonction de leur forme sociale ou de leur capital social minimum par exemple .

Dès lors, autoriser l’exercice de l’activité de crédit-bail par les EMF sans précision, amène à se poser immédiatement la question de savoir quelles sont les catégories d’EMF habilitées à exercer l’activité autrement dit tous les EMF sans distinction de catégorie peuvent-ils accomplir les opérations de crédit-bail ? Notre avis est que, au-delà de l’autorisation préalable de l’autorité communautaire de contrôle qui peut être moyen de contrôler l’exercice de cette activité fut-elle accessoire, l’activité de crédit-bail devrait être exercée uniquement par les EMF de 2ème catégorie. La raison en est que l’exercice de cette activité nécessite des moyens financiers importants. L’établissement de crédit-bail doit en effet avoir les moyens d’acquérir les biens objet du contrat de crédit-bail. De plus, il s’agit très souvent d’une opération de crédit, à moyen ou long terme. Or, seuls les EMF de 2ème catégorie du fait de leur forme sociale et de leur capital social minimum peuvent mobiliser de tels moyens . Il convient de rappeler que les établissements financiers, seule catégorie d’établissements de crédit autorisée à pratiquer le crédit-bail ne sont pas autorisés à collecter l’épargne et ne fonctionnement qu’avec leurs capitaux propres ou des fonds provenant des emprunts. De plus, la gestion « au quotidien » des opérations de crédit-bail nécessite des moyens matériels et humains suffisamment importants.
Faute de limiter l’activité de crédit-bail aux seuls établissements de crédit ou uniquement à certaines catégories d’EMF, ce qui aurait été contraire à la législation CEMAC, les rédacteurs de la loi de 2010 auraient pu saisir l’occasion de ce texte pour élaborer un statut commun à tous les établissements pratiquant le crédit-bail. Il se serait agi par exemple de poser des exigences supplémentaires aux EMF souhaitant exercer cette activité .

B – La solution possible : l’élaboration d’un statut commun aux établissements de crédit-bail 
La nécessité d’un statut commun des établissements de crédit-bail – compte non tenu de leur qualité d’établissement de crédit ou de microfinance – n’a pas totalement échappé au législateur camerounais. Mais, pour l’instant, il ne l’a envisagé que sur les plans fiscal et comptable.
S’agissant des règles comptables, l’article 59 de la nouvelle loi prévoit que « Les règles comptables applicables aux contrats de crédit-bail sont celles du plan comptable des Etablissements de crédit arrêté par la Commission bancaire de l’Afrique Centrale et les textes modificatifs subséquents » . On déduit de cette disposition dont la clarté ne fait pas de doute que les établissements de microfinance qui pratiquent le crédit-bail sont soumis de facto aux normes comptables applicables aux établissements de crédit et non aux règles comptables propres aux établissements de microfinance . Ces règles étant plus rigoureuses, elles permettront indirectement de contrôler l’activité des EMF pratiquant cette activité.
Sur le plan fiscal et aux termes de l’article 60, la nouvelle loi prévoit que « Les dispositions fiscales applicables au crédit-bail sont régies par les dispositions du Code général des Impôts applicables en la matière ». Le législateur a opté ici également pour l’uniformisation du régime fiscal des établissements de crédit-bail compte non tenu de leur qualité d’établissement de crédit ou de microfinance. Il est vrai que le souci, à travers un régime fiscal propre, est surtout celui de rendre plus attractive l’activité de crédit-bail pour les entreprises qui le pratiquent . 
Le législateur aurait pu cependant aller plus loin dans la recherche d’un statut commun aux établissements de crédit-bail en envisageant par exemple une forme sociale unique pour les établissements de crédit-bail , un capital social minimum commun ou en élaborant des normes prudentielles et de gestion propres à ces établissements.

En attendant cette harmonisation éventuelle du statut des établissements qui pratiquent le crédit-bail au Cameroun, il faut conclure en disant que, malgré les insuffisances que comporte la loi de 2010, elle constitue désormais une législation propre au crédit-bail. Cette législation était sinon attendue du moins souhaitée. Reste maintenant à espérer que ce cadre juridique, inspire d’autres législateurs nationaux et surtout contribue à rassurer tous les opérateurs économiques qui souhaiteraient recourir au crédit-bail pour améliorer leur activité. Ainsi, comme sous d’autres cieux, le crédit-bail pourra contribuer effectivement à la croissance des entreprises et particulièrement des PME maillon essentiel de notre tissu économique.

Yvette Rachel KALIEU ELONGO 

Professeur agrégée de droit privé 
Université de Dschang

Revue de l’ERSUMA: Droit des affaires – Pratique Professionnelle, N° 6 – Janvier 2016, Doctrine.