OHADA Doctrine

The “disharmony” on the question of the responsibility of maritime transport auxiliaries in Central Africa: An attempt at unfinished harmonization of the community legislator of 2012

The English version of this content will be available.

TANKEU Maurice
ATER FSJP
Université de Dschang

Dans le commerce international, la conclusion d’un contrat de vente entraine inéluctablement la conclusion d’un second nécessaire à l’accomplissement de l’obligation de livraison du premier : c’est le contrat de transport. Lorsqu’il est conclu en vue de l’acheminement de la marchandise par le canal de la mer, c’est le contrat de transport maritime. L’exécution du contrat de transport de marchandises est décomposée en plusieurs étapes faisant de ce fait intervenir plusieurs opérateurs tel que l’a relèvé M. SAUVAGE . A cet effet disait M. ABOUSSOROR ABDELLAH, « plusieurs intervenants et intermédiaires participent au montage de ce puzzle ». Certains interviennent lors de la phase pré et post-maritime, ce sont des agents terrestres du transport maritime et plus précisément les auxiliaires de transport maritime. Les plus importants et d’ailleurs relevés par les code communautaire de la marine marchande qui a connu récemment une rénovation sont : le commissionnaire de transport, l’entrepreneur de manutention, le consignataire de navire, le consignataire de cargaison et le transitaire. Ceux-ci accomplissent des fonctions complémentaires et nécessaires pour l’exécution du contrat de transport et leur intervention n’a d’égale que son immense difficulté pour les profanes (manutention, arrimage, consignation, transit, dépôt, déchargement, etc…). Les auxiliaires de transport maritime encore pour la plupart appelés « exploitant de terminaux de transport maritime » selon la terminologie utilisée par la Convention de Bruxelles de 1991 sur la responsabilité des exploitants des terminaux de transport maritime sont des acteurs à part entière du processus de transport. Ce sont des personnes qui, dans l’exercice de sa profession, prend en garde des marchandises faisant l’objet d’un transport international en vue d’exécuter des services relatifs au transport en ce qui concerne ces marchandises dans la zone placée sous on contrôle ou sur laquelle elle a un droit d’accès ou d’utilisation . Lorsque l’ayant droit à la marchandise subit un dommage leur responsabilité est mise en œuvre suivant les termes de l’article 546 alinéa 1 . Les auxiliaires de transport agissent aussi bien pour le compte du transporteur que de l’ayant droit à la marchandise. Bien que le plus souvent mandataires des parties au contrat de transport, les auxiliaires peuvent intervenir à titre principal et conclure directement le contrat avec le chargeur, c’est le cas du commissionnaire de transport. Curieusement, cet opérateur ne figure plus parmi les auxiliaires de transport du nouveau code CEMAC. Est à dire que le commissionnaire ne fait plus parties des auxiliaires de transport maritime en Afrique centrale ? Une réponse affirmative est peu probable. On ne pense pas que le législateur CEMAC ait exclu cet acteur commercial dont la valeur n’est plus à démontrer et qui est d’ailleurs consacré par l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit commercial général. L’activité de transport étant par ailleurs une activité commerciale par sa nature même . Nous pensons qu’il s’agit d’un oubli malheureux des rédacteurs du texte actuel. M. Gaston NGAMKAN pense que le législateur a voulu l’envelopper sous la dénomination d’entrepreneur de transport multimodal . Cependant, contrairement à ce point de vue, nous ne pensons pas que le législateur ait utilisé le vocable « entrepreneur de transport multimodal » pour désigner le commissionnaire de transport. Car le commissionnaire n’exécute pas lui-même le transport comme le fait un entrepreneur de transport multimodal , il se borne tout simplement conclure des actes nécessaires au transport d’une marchandise en son nom et pour le compte du commettant. L’entrepreneur de transport multimodal par contre agit en son nom et pour son compte, en tant qu’entité juridique autonome, et assume la responsabilité de l’exécution du contrat. La consécration d’un tel acteur n’est pas une nouvelle carapace du commissionnaire de transport jadis retenu par le code de 2001 , mais une innovation du texte de 2012.

Si le transporteur répond des dommages survenus à la cargaison transportée, dans la majorité des cas, c’est le fait d’un auxiliaire qui est à l’origine. A cet effet, la responsabilité de ces derniers est de plus en plus engagée suivant un régime bien défini par les textes. S’agit-il d’une responsabilité contractuelle ou délictuelle ? A la lumière des textes pertinents, il s’agit d’une responsabilité contractuelle sans pour autant négliger la relative responsabilité délictuelle . Le régime de la responsabilité des professions auxiliaires du transport avait été fixé par les articles 440 à 453 du code communautaire dans sa version de 2001. Ce texte fut fortement critiqué par la doctrine comme n’intégrant pas les évolutions intervenues sur le plan international. Il fallait arrimer le texte communautaire à la nouvelle donne internationale s’agissant de l’étendue de la responsabilité du transporteur maritime, introduire le document électronique de transport et étoffer les dispositions relatives aux assurances maritimes et éluder certaine équivoque sur la responsabilité de l’acconier, pour ne citer que ceux ci. La nécessité d’une révision du texte s’est fait ressentir. Cette tâche est confiée à un groupe de travail ayant à sa tête Gaston NGAMKAN. Le document proposé par ce groupe de travail au Conseil des Ministres en 2011 est une version du texte de 2001 profondément touchée. Si le travail du groupe de travail est louable, on peut toujours déplorer qu’aucune attention particulière n’ait été réservée aux auxiliaires de transport. Les dispositions des articles relatives aux intermédiaires de transport n’ayant connu qu’une retouche légère. Même si les législations des pays de l’Afrique francophone sont le plus souvent une imitation conforme de la législation française, le législateur de l’Afrique centrale avait bien une véritable occasion de faire preuve d’innovation dans le sens d’une amélioration. Le constat reste simple. C’est la disparité qui avait déjà été consacré par l’ancien texte. Le texte adopté par le Règlement no 08/12-UEAC/088-CM-23 du 22 juillet 2012 portant code de la marine marchande de la CEMAC aménage un régime disparate en ce qui concerne la responsabilité des auxiliaires de transport d’où une absence d’harmonisation. Le législateur communautaire CEMAC a une fois de plus raté l’occasion de parfaire l’harmonisation du régime de responsabilité des auxiliaires de transport. Ce constat est frappant dans la mesure qu’on ne voit pas pour quelle raison le législateur créerait une diversité dans le régime de responsabilité des acteurs qui concourent tous à la réalisation d’un seul objectif : le transport, la garde et la livraison d’une marchandise. Cette multiplicité des régimes juridiques des exploitants de terminaux du transport est sans surprendre, car le législateur a aménagé un régime uniforme pour les transporteurs . A ce point, on est porté à se demander en quoi la réglementation du transport maritime en zone CEMAC présente un manque d’harmonisation dans le régime de la responsabilité des auxiliaires de transport ? Cette question revêt un intérêt certain non seulement en raison de son caractère pratique, mais également en raison de la complexité de régime de responsabilité dans le transport, rendant opportun la nécessité de la connaissance du régime de la responsabilité de chaque acteur afin d’éviter toute marge de confusion. Au regard des dispositions pertinentes susvisées, il appert de répondre à l’interrogation soulevée en adoptant une approche relativiste en envisageant d’une part l’absence marquée d’harmonisation sur le principe de la responsabilité (I) et d’autre part la disparité tempérée dans l’application des cas exceptés et du plafonnement de responsabilité (II). Mais, avant ceci, il ne faut pas oublier de soulever les acquis de l’harmonisation.

Des avancées remarquables avaient déjà été faites aussi bien sur la question de l’étendue que la prescription de la responsabilité de ces acteurs.
Relativement à l’étendue, celle-ci est aussi matérielle que spatio-temporelle.

Sur la question de l’étendue matérielle, on note que la responsabilité est définie et étudiée par rapport à son origine qui est le dommage. Au même titre que le transporteur, tous les auxiliaires de transport maritime sont responsables du préjudice résultant des pertes ou dommages subis par la marchandise ainsi que du retard à la livraison . Selon le vocabulaire juridique de Gérard CORNU, le dommage a pour synonyme « préjudice » et revoie à toute atteinte subie par une personne dans son corps, dans son patrimoine ou dans ses droits extrapatrimoniaux . Les auxiliaires de transport sont responsables des dommages matériels subis par la marchandise en termes d’avaries et de manquants résultants d’une perte .

Sur la question de l’étendue spatio-temporelle de la responsabilité des auxiliaires de transport maritime, la concordance est acquise car, ceux-ci ne sont responsables de la marchandise que du moment où celle-ci est sous leur garde c’est-à-dire à partir de la prise en charge jusqu’à la livraison . Cette prescription est soumise au régime défini aux articles 561 à 563 du code communautaire applicable au transporteur maritime.

Les actions en responsabilité contre les auxiliaires de transport maritimes se prescrivent par deux ans . Avec le nouveau code, le transitaire qui autrefois était soumis à la prescription quinquennale de droit commun voit les actions à son encontre se prescrire par deux ans. Il y’ a donc arrimage de la prescription applicable au transitaire à celle applicable aux autres auxiliaires de transport maritime. On note ici une avancée remarquable qui participe à une volonté d’uniformisation.

I – Une absence d’harmonisation marquée : un principe de responsabilité disparate à plusieurs vitesses

Le principe de responsabilité est la manière par laquelle la responsabilité d’un sujet de droit est retenue et mise en œuvre. S’il ne fait plus de doute que la responsabilité des auxiliaires de transport peut être engagée pour des dommages subis par la marchandise lorsque celle-ci était sous leur garde, le constat criard est de voir qu’il existe une dissonance sur le principe de responsabilité applicable. Cette différence caractéristique du principe de la responsabilité des auxiliaires de transport maritime est matérialisée par un dualisme pour certains (A) et un régime unique pour les autres (B).

A – Un dualisme du principe de la responsabilitĂ© de l’acconier et du consignataire

Par dualisme de principe de la responsabilité qui caractérise le principe de la responsabilité des auxiliaires de transport maritime, on entend le double principe applicable à leur égard. Le caractère dualiste avait été consacré par le code révisé de la marine marchande de la CEMAC de 2001 et repris par le texte de 2012. Ce dualisme ressort de l’article 631 du Code de la Marine Marchande de la CEMAC pour l’entrepreneur de manutention (1), caractère applicable aux consignataires (2).

1 – Le principe posĂ© Ă  l’article 631 du code CEMAC pour l’entrepreneur de manutention : un double principe de responsabilitĂ©

L’entrepreneur de manutention comme son nom l’indique s’occupe du déplacement physique de la marchandise. Il effectue aussi des fonctions juridiques à savoir la réception, la reconnaissance, la garde et la livraison de celle-ci.

La lecture combinée les articles 627 à 629 du code CEMAC permet de déceler les opérations juridiques et matérielles qu’accomplissent les acconiers et d’en déduire le principe de responsabilité qui en découle. Le double principe de responsabilité de l’acconier est tributaire du double type d’opérations accomplies. Ainsi, ressort-il de l’article 631 du texte communautaire que l’entrepreneur de manutention est débiteur d’une obligation de moyen pour les opérations matérielles qu’il accomplit (A) et de résultat pour les opérations juridiques (B).

a) Une obligation de moyen de l’acconier pour les opérations matérielles
L’entrepreneur de manutention est débiteur d’une obligation de moyen pour les opérations matérielles, ce qui entraine comme conséquence la responsabilité pour faute ou pour négligence. Mais en quoi consistent les opérations matérielles effectuées par l’acconier ?

i) La nature matérielle des opérations d’acconage
Les opérations matérielles d’acconage sont des opérations de manutention pure . Elles concernent les activités de chargement et de déchargement telle qu’il est prévu à l’article 627 du code communautaire en ces termes : « l’entrepreneur de manutention est chargé de toutes les opérations de chargement et de déchargement des marchandises, y compris les opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire ». Les opérations matérielles sont alors des opérations typiquement physiques relatives à la manipulation de la marchandise. Celui-ci s’occupe d’amener les marchandises ou les conteneurs le long du navire, avant de les charger à bord au moyen des grues, de portiques ou de mâts de charge. Les opérations de mise à bord et de mise à terre étant effectuées au moyen d’engins de levage qui sont soit des apparaux du navire, soit des engins appartenant à l’acconier, soit encore des équipements portuaires.

Les opérations matérielles de l’acconier se terminent lorsque celui-ci a mis les marchandises à bord ou sur le quai et engendre sa responsabilité si le dommage que subi l’ayant-droit à la marchandise y trouve son origine.

ii) La responsabilité de l’acconier fondée sur la faute ou la négligence
Pour les opérations de pure manutention , l’acconier est débiteur d’une obligation de moyen dont le corollaire est la responsabilité pour faute ou négligence présumée. Il ne répond à cet effet que des dommages qui lui sont imputables . Pour engager sa responsabilité, il faudra établir une faute à l’exemple d’une erreur de manœuvre, d’une exécution défectueuse des instructions reçues de son donneur d’ordre , d’un emploi de matériel inadapté . L’entrepreneur de manutention est aussi responsable lorsqu’il a failli à leur son devoir de prendre des précautions courantes, de faire des diligences accoutumées. Cette acception a été consacrée par la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 25 Septembre 1993 qui reprochait à l’acconier un manque de diligence. En effet, « le manutentionnaire avait manifestement omis d’œuvrer dans les règles de l’art comme doit le faire tout entrepreneur ».
Malgré la dichotomie sur ce principe de responsabilité : responsabilité pour faute présumée ou responsabilité pour faute prouvée , le Code Communautaire se bornant simplement d’affirmer qu’ : « il est responsable des dommages causés par son fait, sa faute ou sa négligence », il faut relever que de plus en plus la jurisprudence se montre très sévère à leur encontre en faisant peser sur lui une présomption de faute . A notre avis, les juridictions des Etats membres de la CEMAC feraient bien de retenir une responsabilité pour faute présumée pour une meilleure protection des droits de l’ayant droit de la marchandise, profane contre le professionnel. La conséquence fâcheuse de ce principe de responsabilité est qu’en cas de dommages, il revient à l’ayant-droit à la marchandise de démontrer que ceux-ci sont imputables à l’acconier.

En tout état de cause, quel que soit le principe de responsabilité retenu contre l’acconier : présomption de faute ou non pour leurs opérations matérielles, celui-ci est débiteur d’une obligation de résultat pour les opérations juridiques.

b) Une obligation de résultat du manutentionnaire pour les opérations juridiques
Au-delà des opérations de pure manutention qu’il effectue pour son cocontractant, l’acconier accomplit des actes juridiques pas pour les moins importants. L’exploitation du catalogue des actes juridiques à l’actif l’acconier pour le compte de son mandant (i) permet de déceler le principe de responsabilité qui en découle (ii).

i) La nature juridique des actes accomplis par l’entrepreneur de manutention
Elles sont prévues à l’article 628 du Code de la Marine Marchande de la CEMAC en ces termes : « en dehors des opérations visées à l’article précédent (opérations matérielles), l’entrepreneur de manutention peut être appelé à accomplir pour le compte du navire, du chargeur ou du réceptionnaire les opérations suivantes :

La réception, la prise en charge et la reconnaissance à terre des marchandises à embarquer, ainsi que leur garde jusqu’à leur mise à bord ;
La réception, la prise en charge et la reconnaissance à terre des marchandises débarquées, ainsi que leur garde et leur livraison ». Les opérations juridiques d’acconage sont de quatre types que sont : la réception de la marchandise pour le compte du donneur d’ordre ; la prise en charge de celle-ci qui peut s’accompagner d’une garde à travers un dépôt dans les magasins de l’acconier jusqu’à leur mise à bord du navire. Cette opération est encore marquée par la reconnaissance dont l’entrepreneur est amené à faire pour le compte de son mandant et enfin en cas de débarquement de livrer la marchandise à l’ayant droit. Les opérations juridiques d’acconage doivent être effectuées avec la plus grande diligence possible, l’acconier devra pour se prémunir contre les dommages survenus à la cargaison avant leur prise en charge prendre des réserves . Ne pas le faire signifierait qu’il a reçu la marchandise dans l’état indiqué au connaissement et la responsabilité qui en découle est aussi sévère que celle qui pèse sur le transporteur maritime.

ii) Une responsabilité de plein droit de l’acconier tributaire d’une obligation de résultat
Le régime de responsabilité qui pèse sur l’entrepreneur de manutention pour les opérations juridiques est identique à celle que supporte le transporteur maritime . Cette règle résulte de l’article 631 du Code Communautaire de la Marine Marchande qui dispose en son alinéa (2) que : « lorsqu’il accomplit les opérations visées à l’article 628 ci-dessus, il est présumé avoir reçu la marchandise telle qu’elle a été déclarée par le déposant et répond dans ce cas des dommages et pertes subies par la marchandise pendant qu’elle est sous sa garde… ». C’est indubitablement une obligation de résultat . Le texte poursuit par des causes d’exonération tout en relevant préalablement que l’entrepreneur de manutention pourra néanmoins décliner sa responsabilité s’il prouve que la cause ou l’une des causes des pertes ou dommages n’est pas imputable à sa faute ou à la faute de l’un de ses préposés ou mandataires ou de l’une des personnes dont il utilise les services pour l’exécution des opérations relatives au transport. Ceci revient à dire que si l’ayant droit à la marchandise prouve l’origine du dommage se trouve dans le fait de ces personnes, l’acconier devra automatiquement répondre.

Sur la base de ces dispositions pertinentes du code communautaire précitées, on peut affirmer que l’entrepreneur de manutention subi une « responsabilité de plein droit pour ce qui est des opérations juridiques d’acconage » . Le texte communautaire consacre ainsi une responsabilité de l’acconier calquée sur celle du transporteur à une petite différence prête . Comme en droit français, législation d’inspiration du législateur CEMAC, on observe une nette précision concernant l’article 631 alinéa 2. Cette précision fait suite aux critiques nourries par M. Gaston NGAMKAN à propos de l’ambigüité sur la formulation du paragraphe (b) de l’ancien article 449 . De l’avis de ce auteur : « son application […] est indéniablement teintée de paradoxe, de confusion qui rendent le texte inintelligible et donc difficile à mettre en œuvre ». Car il ressortait de la lettre (b) de cet article que : « lorsqu’il accomplit les opérations visées aux articles 446 et 447 ci-dessus, il est présumé avoir reçu la marchandise telle qu’elle a été déclarée par le déposant ». Or, on savait que les opérations visées à l’ancien article 446 étaient des opérations matérielles d’acconage auxquels l’acconier n’était tenu que d’une obligation de moyen et par conséquent d’une responsabilité fondée sur la faute. Estimant que cette formulation était une coquille dans le texte communautaire, M. Gaston NGAMKAN avait suggéré que le législateur devrait l’effacer lors du prochain toilettage du texte. On ne voyait pas comment pour les mêmes opérations, l’acconier peut être soumis en même temps à un principe de responsabilité de plein droit et un principe de responsabilité pour faute . Heureusement que cette ambigüité a été levée par les soins de l’auteur de la critique membre de la commission de révision du code de 2001. Quid au consignataire

2 – Le double principe de responsabilitĂ© des consignataires

Les consignataires agissent pour le compte du navire (consignataire de navire) ou pour le compte du destinataire (consignataire de cargaison). Ces qualités ne sont pas incompatibles. C’est ainsi qu’un agent peut intervenir à la fois pour le compte du navire et pour le compte de la marchandise. Le régime de la responsabilité retenu est fonction de l’acte qu’il accomplit. Alors que les deux consignataires sont soumis à un double principe de responsabilité, il importe de les envisager séparément au vue des spécificités qui les caractérisent.

a) Le double principe de responsabilité applicable au consignataire de navire
Le consignataire de navire est identifié par le Code de la Marine Marchande comme « un mandataire salarié de l’armateur » . En tant que tel, l’agent consignataire de navire agit pour le compte de l’armateur qu’il représente et s’efface devant la personne de celui-ci. Par conséquent, les tiers n’ont à connaitre que le mandant et ne peuvent mettre en œuvre que la responsabilité de ce mandant lorsque des dommages sont survenus à l’occasion de l’intervention du consignataire. Il effectue pour les besoins et compte du navire et de l’expédition les opérations que le capitaine n’accomplit pas lui-même . L’article 624 du code CEMAC lui réserve deux types de responsabilité.

i) La responsabilité de plein droit du consignataire
Le consignataire du navire ne peut être tenu que de ses actes, il ne saurait en aucun cas répondre des actes de l’armement dont il est le mandataire, c’est ce qu’a affirmé la Cour de Cassation dans un arrêt du 2 juillet 1923 lorsqu’en parlant du consignataire elle énonçait : « qu’il n’a à répondre que de sa propre faute » . Le consignataire de navire pour des opérations juridiques de réception et de livraison de la marchandise prévues à l’alinéa 3 de l’article 622 est soumis à un régime de responsabilité identique à celui de l’entrepreneur de manutention . Un régime de responsabilité analogue à celui du transporteur maritime. Il ressort à cet effet de ce texte que l’agent consignataire de navire est soumis au même régime de responsabilité que l’armateur qu’il représente dans les actes de réception et de livraison de la marchandise à savoir une responsabilité de plein droit en application de l’article 546. En dehors de l’hypothèse prévue à l’article 624 alinéa 1, la responsabilité du consignataire est envisagé dans les termes du droit commun.

ii) La responsabilité de droit commun du consignataire de navire
Lorsque le consignataire n’accomplit pas les missions prévues au titre de l’alinéa 1 de l’article 624 du code communautaire, il est responsable de ses actes dans les termes de droit commun . Il s’agit en effet d’une responsabilité pour faute notamment lorsqu’il s’est engagé personnellement à coté de l’armateur qu’il représente ou encore lorsqu’il a donné l’apparence d’agir pour son propre compte. Dans ce dernier cas, sa responsabilité peut être engagée par les tiers. Dans cette dernière hypothèse, pour engager la responsabilité du consignataire, il faudra établir sa faute dans l’exercice du mandat. Le transporteur qu’il représente devra prouver une faute commise par son mandataire pour assigner en garantie de la dette de réparation d’un préjudice subi par l’ayant-droit de la cargaison. Le consignataire est soumis pour les opérations non prévues à l’article 624 alinéa 2 au principe de responsabilité de droit commun fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil. Ce principe de responsabilité est différent de celui applicable au consignataire de cargaison.

b) La responsabilité dualiste du consignataire de cargaison
Ce dualisme découle également de la double mission qu’il est souvent amené à accomplir : à savoir représentant de l’ayant droit à la marchandise (mandataire) et de gardien de la marchandise. Pour sa fonction de mandataire, il est responsable de toute faute commise par lui et pour sa fonction de gardien, il répond d’une responsabilité de plein droit.

i) La responsabilité pour faute du consignataire de cargaison en sa qualité de mandataire
En tant que mandataire, le consignataire est responsable de toute faute commise par lui ou toute personne dont il a eu recours pour l’exercice de ses fonctions. Tel sera le cas lorsqu’en exécutant les instructions de son commettant, il commet une infraction qui entraine sa condamnation pénale. Il ne saurait de ce fait réclamer à son mandant des dommages intérêts, le délit ainsi réprimé étant un fait personnel au consignataire qu’il aurait éviter en faisant preuve de prudence et de diligence.

ii) La responsabilité de plein droit du consignataire de cargaison
Lorsque le consignataire prend livraison de la marchandise pour le compte du commettant, il assure la garde jusqu’à sa restitution. En le faisant, il accomplit des actes juridiques pour le compte du destinataire. Il reçoit la marchandise des mains du transporteur, fait la reconnaissance et accomplit les suites nécessaires . A cet effet, il devrait prendre la marchandise des mains d’une partie exécutante du transport dans le même régime que le destinataire. Sa responsabilité pendant cette période est présumée pour les dommages subis par la marchandise .

Au regard de ce qui précède, on note un souci d’harmonisation du législateur CEMAC, car il a adopté une méthode de renvoi du régime de responsabilité des consignataires aux règles établies au profit du manutentionnaire. Cette volonté est d’autant perceptible qu’on sait que la technique de renvoi est la méthode par excellence de l’harmonisation. Ce souci n’est qu’embryonnaire parce que le commissionnaire et le transitaire bien que classés parmi les professions auxiliaires de transport au même titre que l’acconier et les consignataires, sont soumis à des régimes de responsabilité différents.

B – Le principe unique de la responsabilitĂ© du commissionnaire et du transitaire

Le commissionnaire de transport est un intermédiaire de commerce qui se charge d’opérer en son propre nom, mais pour le compte du commettant (expéditeur de la marchandise), le transport de marchandises moyennant une commission. Il se distingue du transitaire à triple égards. Premièrement le commissionnaire se charge complètement du transport en l’organisant à sa guise alors que le transitaire intervient uniquement lors de la rupture de la charge. Deuxièmement, le transitaire est responsable uniquement de son fait personnel alors que le commissionnaire peut l’être du fait d’autrui. Troisièmement, le commissionnaire est soumis à la prescription biennale alors que l’action en responsabilité contre le transitaire est soumise à la prescription de droit commun (cinq ans entre les commerçants) . Malgré la confusion qui règne dans la pratique entre ces deux auxiliaires et qui est souvent entretenue par les acteurs eux-mêmes, leurs régimes de responsabilité restent différents. Pour cette raison, il convient de les étudier séparément.

1 – Une responsabilité du commissionnaire de transport calquée sur celle d’un transporteur maritime

Selon la Cour de cassation française le contrat de commission de transport est une « convention par laquelle le commissionnaire s’engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d’un lieu à un autre, qui se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d’organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout » . Il y’a à cet effet commission de transport lorsque pour déplacer la marchandise, un expéditeur sans contracter directement avec un transporteur s’adresse à un intermédiaire qui se charge d’organiser le transport pour lui . Le commissionnaire s’engage à faire exécuter le transport d’une marchandise d’un lieu à un autre . Il n’est pas un transporteur , c’est un organisateur de transport qui fait exécuter sous sa responsabilité et en son nom propre le déplacement de la marchandise pour le compte d’un donneur d’ordre appelé commettant. Il accomplit des actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise pour le compte de son client. Il a cet effet une obligation de résultat dont le corollaire est la responsabilité de plein droit . Le commissionnaire peut confier l’opération de transport à un mandataire comme il peut le faire lui-même sur une partie de l’itinéraire . Qu’il confie l’exécution totale du transport à un tiers ou qu’il s’en occupe pour une partie de l’itinéraire, le commissionnaire est responsable à la fois de son propre fait, mais aussi du fait des personnes qu’il a introduit dans l’exécution du contrat de transport.

a) La responsabilité du commissionnaire du fait personnel
Elle est calquée sur le droit commun de la responsabilité contractuelle. Son régime de mise en œuvre obéit aux règles de droit commun de la responsabilité civile à savoir la preuve de la faute et le dommage subi par le destinataire de la marchandise. Le commissionnaire est tenu de la bonne exécution totale du transport. A ce titre, il répond de tout dommage subi par la cargaison ayant pour origine directe, soit une faute matérielle personnelle, un manquement à un quelconque de ses devoirs généraux, soit une absence totale de faute, ce qui est le cas par exemple lorsque l’origine du dommage est inconnue. Le commissionnaire de transport est tenu d’une véritable obligation de résultat au sens de l’article 1147 du code civil.

Les causes de la mise en jeu de la responsabilité pour fait personnel du commissionnaire sont multiples.
Premièrement, il doit respecter les instructions fournies par son client. Ainsi, avait été condamné un commissionnaire de transport qui avait laissé placer la marchandise en pontée malgré l’interdiction signifiée par son commettant .

Deuxièmement, le manquement à son devoir d’information est fautif . En effet, le commissionnaire a un devoir de conseil et d’information à l’égard de ses clients, qui s’applique avec moins de force vis à vis de ses clients expérimentés mais qui s’exerce dans les limites de sa compétence spécifique .
La troisièmement, une série de causes de responsabilité du commissionnaire de transport relève d’un contexte purement pratique et concerne les erreurs et les manquements qu’il est difficile de tolérer venant d’un professionnel : mauvais choix du transporteur , mauvaise rédaction des documents, absence de transmission aux sous commissionnaires les informations nécessaires à la bonne exécution du transport . Tel qu’il répond de ses faits, le commissionnaire est également tenu des faits des personnes auxquelles il a recours pour l’exécution du transport.

b) La responsabilité du commissionnaire de transport du fait de ses mandataires
Si la reconnaissance de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui a fait l’objet d’abondantes controverses doctrinales , elle est unanimement admise aujourd’hui . Cette responsabilité suppose que soient réunies quatre conditions. il faut que le débiteur soit personnellement tenu d’une obligation dont il confie en tout ou partie l’exécution à un tiers sans avoir été déchargé de son obligation par le créancier et que le fait du tiers réalise l’inexécution de cette obligation . Ces exigences sont réunies dans la commission de transport car, le commissionnaire est tenu d’une obligation envers le commettant qu’il confie l’exécution à un tiers sans avoir pour autant été déchargé par le créancier. Le débat sur la nature de l’obligation du commissionnaire même pour les faits d’autrui est aujourd’hui clos, celui-ci est débiteur d’une obligation de résultat dont le corollaire est le principe de responsabilité de plein droit. Cette règle est consacrée par l’article L 132 – 6 du Code de Commerce français. En effet, il ressort de ce texte que le commissionnaire répond de tous les prestataires de services auxquels il fait appel et ne peut se dégager de sa responsabilité sous prétexte qu’il n’a pas personnellement commis une faute .

Les prestataires auxquels le Code de Commerce fait référence s’analysent en toute personne à laquelle le commissionnaire fait appel telle que le transporteur, le commissionnaire intermédiaire etc. Il faut ainsi comprendre malgré le malencontreux libellé du texte précité qui dispose que : « le commissionnaire est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises ».
En application l’article L 132 – 6 du Code de Commerce, le commissionnaire est responsable de plein droit des dommages causés à la marchandise qu’il a confiée à ses substitués sans qu’il y ait lieu de prouver sa faute, ni celle du substitué. Il suffit pour l’ayant droit à la marchandise de prouver l’existence du dommage.

En tout état de cause, pour que la responsabilité du commissionnaire du fait des substitués soit admise il faut la réunion d’une triple conditions.
Primo, la liberté dans le choix de ses substitués.

Secundo, les substitués doivent avoir agi dans l’exercice de leurs missions.

Tertio, le commissionnaire ne peut être responsable que dans la mesure que son substitué est tenu pour responsable .
Que ce soit pour son fait personnel ou celui de ses substitués, le commissionnaire de transport est soumis à une responsabilité de plein droit. Tel n’est pas le cas pour le transitaire.

2 – La responsabilité pour faute du transitaire

Le transitaire est un agent de liaison, un « professionnel de passage » qui intervient à la charnière entre deux modes de transport. C’est un mandataire de l’ayant droit à la marchandise, agit dans le strict respect des instructions reçues et répond de ses fautes personnelles . Pour qu’une faute engage la responsabilité du transitaire, elle doit être personnelle et doit être prouvée . Le transitaire est débiteur d’une obligation de moyen et de diligence dont le corollaire est la responsabilité pour faute prouvée. Sa responsabilité est moins lourde que celle du commissionnaire de transport ou encore du consignataire à moins qu’il n’agisse en qualité de consignataire de la cargaison. Auquel cas sa responsabilité sera soumis au régime de responsabilité prévu par les articles 625 et 626 du Code . La responsabilité du transitaire ne peut être engagée que sur l’établissement par le destinataire d’une faute. Celui-ci doit prouver qu’il n’a pas déployé une diligence raisonnable alors qu’il en avait les moyens. Cette diligence est appréciée en fonction des opérations et obligations qui entrent dans le jargon normal et habituel de ses fonctions. La pratique est une source non négligeable dans la détermination de l’étendue des obligations du transitaire. Nous pensons que l’énumération faite aux alinéas 1 et 2 de l’article 638 du code est simplement indicative. Il commet une faute s’il méconnait les instructions qu’il a reçues de son mandant. Les juges montrent une sévérité dans l’appréciation de la responsabilité du transitaire .

La responsabilité du transitaire est une responsabilisé de droit commun pouvant être fondée sur les articles 1382 du Code Civil et mise en œuvre suivant le régime de la responsabilité civile.

II – Une absence d’harmonisation diluĂ©e : l’existence d’un certain tronc commun dans l’application des causes d’exonĂ©ration et du plafonnement de responsabilitĂ©

La responsabilité dans le transport est suis generis. A l’exception du transitaire qui est astreint à une obligation de moyen, les autres acteurs du transport maritime supportent une obligation de résultat dont le corollaire est la responsabilité de plein droit. Ce lourd fardeau est tempéré par des causes d’exonération et le plafonnement de responsabilité diversement appliqués aux acteurs.

A – Un socle (fond) commun Ă  double pĂ©dale de l’application des causes d’exonĂ©ration aux acteurs intermĂ©diaires de transport maritime

Si l’on doit répondre de ses actes et omissions, il est d’ordre public que le débiteur d’une obligation a le droit d’invoquer des causes extérieures qui ont concouru à la réalisation du dommage. Parlant des causes d’exonérations, on relèvera que le manque d’harmonisation sur la question de la responsabilité des exploitants de terminaux de transport maritime est dilué dans la mesure qu’il existe un tronc commun d’application des cas exceptés malgré que le commissionnaire continue de bénéficier d’un régime de faveur.

1 – Le tronc commun d’invocation des cas exceptés
L’existence de ce tronc commun est matérialisée par la reconnaissance aux auxiliaires mandataires des causes d’exonération du transporteur malgré que l’invocation de certain leur est impossible. De plus les auxiliaires de transport peuvent s’exonérer de la responsabilité dans les termes du droit commun.

a) La reconnaissance aux auxiliaires mandataires du droit d’invoquer les causes d’exonération applicables au transporteur maritime
Le texte communautaire retient plusieurs cas exceptés pouvant bénéficier au transporteur . Lesquelles causes d’exonérations peuvent être empruntées pour le compte d’un auxiliaire de transport. A celles-ci peuvent s’ajouter celles expressément consacrées à leur bénéfice.

i) La cause d’exonération empruntée au transporteur
Il s’agit du cas excepté tiré du transport d’animaux vivants. Il avait été imaginé pour le particularisme lié à ce type de cargaison. Le transporteur n’étant pas un professionnel d’entretien des animaux. A cet effet, il était incapable de maitriser leurs comportements.

Le mandataire du transporteur ou une partie exécutante qui a suivi les instructions du chargeur et a fait preuve de diligence raisonnable pour une bonne exécution du transport doit pouvoir invoquer la cause d’exonération. Le dommage dans ce cas doit être inhérent à la nature de la cargaison. C’est-à-dire qu’il doit avoir un rapport étroit entre l’origine du dommage et les caractéristiques propres de la cargaison. Si cette preuve est établie, l’auxiliaire est déclaré irresponsable et sa responsabilité est dégagée comme pour les cas exceptés consacré à son profit.

ii) Les cas exceptés consacrés témérairement au bénéfice des auxiliaires de transport
Les auxiliaires de transport dont les services ont été requis par les acteurs principaux peuvent à leur tour se prévaloir des cas exceptés expressément stipulés à leur égard par l’article 631 al.2 du code de la marine marchande. C’est une reprise partielle des causes d’exonération stipulées à l’article 546 al.3 du code. Cette reprise se justifie d’autant plus qu’on ne pouvait admettre une responsabilité du mandataire plus lourde que celle du mandant. Il est donc de droit et d’équité que les auxiliaires de transport bénéficient des cas exceptés tirés de la force majeure ou du cas fortuit ; de l’incendie ; des faits de guerre, hostilités, conflit armé, piraterie, terrorisme, émeutes et troubles civils ; des restriction de quarantaine, intervention ou obstacles de la part d’Etats, d’autorités publiques, de dirigeants ou du peuple, y compris une immobilisation, un arrêt ou une saisie non imputable à l’auxiliaire ou à ses mandataires. Il en est également des cas exceptés tenant à la cargaison tels que le vice propre de la marchandise, du défaut d’emballage ; des cas exceptés tenant aux parties tels que la grève et le lock-out dans lequel aucune faute ne peut leur être reprochée ou encore de la faute du chargeur.

S’il est évident et même naturel que les préposés ou mandataires puissent invoquer les cas exceptés réservés au mandant, il faut du moins souligner que certains cas exceptés sont à leurs égards inadmissibles.

b) L’inapplicabilité de certains cas exceptés aux auxiliaires de transport
Il s’agit du cas excepté tiré du sauvetage ; d’assistance en mer ; de la buée de cale ; du déroutement et du vice caché du navire.
L’inapplicabilité de ces cas exceptés aux auxiliaires maritimes se justifie par le fait qu’ils n’ont pas été prévus à leur effet et davantage par la nature de leurs activités. Si les auxiliaires de transport ne sont responsables spatio temporis que du moment où ils prennent en charge la marchandise jusqu’à l’instant où ils s’en dessaisissent en les livrant au destinataire ou au transporteur, il est évident que le lieu d’exercice de leurs activités soit l’enceinte portuaire. Par conséquent, il leur impossible de se prévaloir des événements qui ne sont susceptibles de se produire uniquement qu’en mer ou encore des cas exceptés tenant au navire.

c) La preuve de l’absence de faute de l’auxiliaire pour les dommages dus aux opérations matérielles
Une fois de plus le code de la Marine marchande consacre une responsabilité dont la mise en œuvre obéit au régime de droit commun pour les opérations de chargement/déchargement et leurs annexes à l’égard de l’auxiliaire de transport . C’est une responsabilité pour faute. D’après une certaine jurisprudence approuvée par une partie de la doctrine , la faute de l’auxiliaire doit être prouvée. Cette solution est pertinemment applicable au transitaire tenu d’une obligation de moyen et de diligence . Ceci est d’autant vrai que le texte communautaire stipule expressément que « le transitaire n’est responsable que de ses fautes personnelles prouvées ». Mais un autre courant jurisprudentiel ne l’entend pas de la façon, dans un but moralisateur, il fait peser sur l’entrepreneur de manutention une présomption de faute . L’acconier tout comme le consignataire pour les opérations matérielles qu’ils accomplissent, peuvent alléguer l’absence de faute pour s’exonérer .

Un arrimage de la responsabilité des autres auxiliaires de transport sur celle de l’acconier a permis la mise en place d’une homogénéité juridique, un tronc commun de responsabilité des professions auxiliaires de transport maritime. Homogénéité fragilisée du fait du statut particulier du commissionnaire de transport.

2 – Le particularisme du commissionnaire de transport : un acteur privilégié par les cas exceptés

En sa qualité d’organisateur de l’expédition maritime, le commissionnaire bénéficie d’un statut spécial par rapport aux autres intermédiaires de transport. Ceci s’explique d’une part parce qu’il ne peut être plus responsable que ses substitués . Il n’est tenu pour responsable que dans la mesure où le transporteur dont il s’est substitué est lui-même responsable. Le commissionnaire emprunte la situation juridique de ses substitués ou des sous-substitués. Il est donc évident que si le transporteur auteur du dommage invoque un cas excepté tel le sauvetage en mer ou même l’incendie, le commissionnaire garant de ses fautes bénéficiera des mêmes facteurs d’exonération.

De plus, il est admis que le commissionnaire de transport peut stipuler des clauses visant à écarter totalement ou partiellement sa responsabilité pour des fautes commises par ses substitués à condition qu’elles aient été connues et acceptées par le commettant lors de la conclusion du contrat de commission de transport. Elles ne peuvent être soulevées lorsque le dommage est le résultat du dol ou d’une faute lourde du commissionnaire de transport ou du substitué . Lorsque l’auxiliaire ne peut pas se prévaloir des cas exceptés, il bénéficie encore de la limitation de la responsabilité.

B – Application nuancĂ©e du plafonnement de responsabilitĂ© aux auxiliaires de transport

La limitation de responsabilité est une autre contrepartie de la lourde responsabilité qui pèse sur les acteurs du commerce maritime. Autrement appelé plafond d’indemnisation , il se traduit par un plafonnement du montant des réparations dues quelle que soit l’importance du dommage.

Le nouveau texte communautaire a remédié au laxisme qui était reproché à son prédécesseur sur la limitation de responsabilité des auxiliaires de transport. Si autrefois, cette prérogative n’était expressément stipulée que pour l’entrepreneur de manutention , on note aujourd’hui une extension aux autres auxiliaires de transport par la technique de renvoi . Cette institution est cependant diversement appliquée aux acteurs, faisant ressortir un fond commun et un particularisme en ce qui concerne le commissionnaire de transport.

1 – Le droit commun de la limitation de responsabilité applicable aux auxiliaires de transport

Malgré les hostilités animées par la jurisprudence américaine quant à l’extension de la limitation de la responsabilité aux stevedores au motif qu’une telle précision n’avait été faite au connaissement, il ne souffre plus d’aucun doute que les auxiliaires de transport bénéficient de la limitation de responsabilité . Ce bénéfice n’est admis qu’en cas agissement dans les limites de leurs fonctions. Il est refusé dans le cas contraire.

a) Admission de la limitation en cas d’agissement dans le cadre du mandat
Parce que la majorité des dommages aux marchandises est le fait des auxiliaires de transport, il est dont évident que ces dommage soient soumis au même régime que la responsabilité du transporteur pour le compte de qui ils agissent. L’assimilation des auxiliaires au transporteur est consacrée aux articles 624 al.1, 626, 632 et 640 ; lesdits articles renvoyant eux aussi aux articles 552 à 554 du code CEMAC. Ces plafonds d’indemnisation sont les suivants :

Pour les manquements en terme de perte et avarie, la responsabilité de l’auxiliaire est plafonnée à 875 droits de tirage spéciaux par colis ou autre unité de chargement, ou à 3 droits de tirage spéciaux par kilogramme de poids brut des marchandises objet de la réclamation ou du litige, la limite la plus élevée étant applicable, sauf lorsque la valeur des marchandises a été déclarée par le chargeur et figure dans les données du contrat, ou lorsqu’un montant supérieur à la limite de responsabilité fixée dans le présent article a été convenu entre les parties.

En cas de retard, la responsabilité de l’auxiliaire est limitée à un montant équivalent à deux fois et demie le fret payable pour les marchandises ayant subi le retard. Le montant total payable ne peut pas dépasser la limite qui serait pour la perte totale des marchandises concernées. Comme le relève M. NGAMKAN Gaston : « les plafonds ainsi établis profitent aux préposés et mandataires du transporteur qui prouvent avoir agi dans l’exercice de leurs fonctions » . Cette limitation profite à l’auxiliaire de transport que l’action soit exercée sur le terrain contractuel ou extracontractuel ou encore que l’action émane d’une partie au contrat de transport ou d’un tiers . Il s’en suit que lorsque l’auxiliaire de transport a agi dans les limites de ses fonctions, le bénéfice de la limitation de responsabilité est calqué sur celui du transporteur. Ils sont déchus de ce droit à la limitation dans les mêmes conditions que le transporteur maritime . b) Refus de plafonnement en cas d’agissement hors de ses fonctions C’est une sanction contre le mandataire qui a outrepassé les limites de ses fonctions ou qui a commis une faute dolosive . Elle découle expressément de l’article 555 du code CEMAC. S’il ressort de ce texte que le mandataire peut se prévaloir de la limitation de responsabilité que le transporteur peut invoquer s’il prouve avoir agi dans l’exercice de ses fonctions, il est admis à contrario que s’il est établi que le mandataire est sorti du cadre de ses fonctions ou a commis une faute dolosive , il ne peut plus se prévaloir de la limitation de responsabilité du texte . L’exercice hors du cadre de ses fonctions et la commission d’une faute dolosive sont deux critères essentiels de l’exclusion au bénéfice de plafonnement de responsabilité aux auxiliaires de transport maritime . En somme, il échait de retenir que l’application du plafonnement de responsabilité aux auxiliaires de transport dépend du respect ou non des limites de leur fonction. La situation est différente dans la commission de transport.

2 – Le cas exceptionnel de la limitation de responsabilité dans la commission de transport

Le commissionnaire de transport bien qu’il contracte directement avec l’ayant droit à la marchandise n’emprunte pas pour autant la qualité de transporteur, il demeure un auxiliaire de transport. C’est à raison que le Code Révisé de la Marine Marchande de la CEMAC de 2001 l’avait envisagé dans les professions auxiliaires de transport maritime. Tout comme il emprunte la situation de ses substitués pour les causes d’exonération, la limitation de responsabilité qui lui est applicable est calquée sur celle de ceux-ci. De plus, perd ce bénéfice en cas de faute lourde personnelle.

a) Une limitation de responsabilité du commissionnaire calquée sur celle de son substitué
Le commissionnaire peut se prévaloir de la limitation de responsabilité applicable au transporteur maritime dont il a eu recours pour l’expédition de la marchandise . L’arrimage de la limitation de la responsabilité du commissionnaire sur celui du transporteur maritime ou même d’un exploitant de terminal de transport maritime avait été consacré de l’article 453 du code révisé de la marine marchande de la CEMAC. Même si cette règle manque de base légale aujourd’hui, elle reste d’actualité. Le commissionnaire de transport maritime épouse intégralement la situation de son substitué sans restriction aucune quant aux avantages et inconvénients. En qualité de « garant », il ne peut être tenu à plus, ni à moins que le substitué qu’il a désigné . Il convient tout de même de souligner que le commissionnaire ne bénéficie de plein droit que des seules limitations de nature légale ou réglementaire normalement applicables à ses substitués dans le cadre du transport en cause . Il s’agit là, en effet, de limitations censées connues de tous et en général d’ordre public sur lesquelles le client aurait inéluctablement buté s’il avait traité « en direct » avec le substitué. La faute dolosive, la faute inexcusable ou de témérité pour employer le vocabulaire préconisé par le professeur Bonassies, la lettre de garantie frauduleuse qui font perdre au transporteur le droit du plafonnement de responsabilité sont également opposables au commissionnaire de transport qui a requis leurs services de même la faute personnelle.

b) Une réparation intégrale en cas de faute lourde personnelle
En sa qualité d’organisateur de transport le commissionnaire est débiteur d’obligations personnelles détachables de celles de ses substitués qui se chargent du déplacement de la marchandise. Le commissionnaire commet une faute entrainant une réparation intégrale lorsqu’il ne remplit pas son obligation d’information à l’égard du commettant. De même lorsqu’il omet de produire à ses substitués certaines informations relatives au comportement de la cargaison durant le transport. Le commissionnaire sera tenu d’une réparation intégrale alors que le transporteur ayant effectué le transport n’est pas tenu à réparation ou dans la limite bénéficiera du plafonnement de responsabilité établi par la loi. Il s’agit d’une faute personnelle extérieure de celle que pourrait éventuellement commettre ses substitués. Le commissionnaire est tenu de respecter les instructions fournies par le commettant. Ainsi a été déclaré coupable d’une faute lourde un commissionnaire qui avait laissé placer la marchandise en pontée au mépris de l’interdiction signifiée par son commettant . La faute personnelle du commissionnaire avait également été retenue en raison du choix d’un navire inapproprié pour transporter un certain type de marchandise et de surcroit, il lui était reproché de ne pas avoir emballé la marchandise alors que sa qualité de chargeur avait été établie à l’égard du transporteur .

Au demeurant, on souligne que le législateur CEMAC de 2012 n’est pas resté sourd aux critiques qu’avait nourries la doctrine sur la question de la responsabilité des auxiliaires de transport. Le défi d’une harmonisation était à l’ordre du jour et le législateur a vraisemblablement tenu à le relever. Pour y parvenir on a noté le recours une technique de renvoi qui a permis d’aligner les principes de responsabilité des consignataires à celui de l’entrepreneur de manutention. Un effort remarquable a également été fait dans le sens de l’application des causes d’exonération et du plafonnement de responsabilité. Au final, on dira qu’un travail d’harmonisation est perceptible, mais reste perfectible.

TANKEU Maurice
ATER FSJP
Université de Dschang

Revue de l’ERSUMA :: Droit des affaires – Pratique Professionnelle, N° 6 – Janvier 2016, Pratique professionnelle.

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