OHADA Doctrine

The protection of the creditors of the seller of business in the OHADA area

Amina BALLA KALTO
Assistante Ă  la FSEJ/UAM

Résumé :

La protection des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce s’inscrit dans un contexte global de la garantie de sĂ©curitĂ© juridique et judiciaire que le lĂ©gislateur tente d’offrir aux investisseurs dans l’espace OHADA. Il vise Ă  rĂ©aliser cet objectif par l’élaboration d’une rĂšglementation appropriĂ©e en instituant des mesures de publicitĂ© ou d’exĂ©cution forcĂ©e de leurs droits de crĂ©ance que le juge OHADA (gardien de la lĂ©galitĂ© et garant de la protection des droits individuels des justiciables) tente d’appliquer de maniĂšre effective.

Mots clés :
protection des droits des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce, sĂ©curitĂ© juridique et judiciaire, publicitĂ©, Journal d’annonces lĂ©gales, opposition au paiement du prix par le vendeur, droit de surenchĂšre, crĂ©ancier chirographaire, crĂ©ancier privilĂ©giĂ©, crĂ©ancier nanti, dĂ©chĂ©ance du terme, action paulienne, mesures d’urgence, mesures d’exĂ©cution forcĂ©e, saisie-conservatoire, saisie-attribution, saisie-apprĂ©hension, saisie-vente, etc.

Abstract :

Business vendor’s creditor’s protection is in line with the general pattern of legal and judicial security guarantee that the legislator tries to offer to the investors in OHADA’s legislation space. To achieve its aim, the legislator draws up investors ’protection centered on regulation by taking steps consisting of advertisement measures or forced execution of investors’claims and entrusts the guardian of legality and guarantor of justiciables’ individual rights protection, OHADA’s judge with the mission to check if these protective norms are efficient.

Keywords :
business, vendor, protection, common OHADA legislation, measures, legal and judicial security, advertising, Magazine of legal announcements, opposition to the payment of the price by the seller, right of one-upmanship, creditor unsecured, creditor privileged, wealthy creditor, Paulian action, emergency measures, implementing forced Conservatory attachment, seizure-award, seizure-apprehension, seizure and sale, etc.

SOMMAIRE

I – Les prĂ©rogatives accordĂ©es aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce.
A- Dans une vente réguliÚrement publiée.
B – Dans une vente non publiĂ©e.
II – Les garanties de paiement instituĂ©es au profit des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce.
A – L’adoption des mesures conservatoires.
B) – Le recouvrement de la crĂ©ance.

 

Introduction

Pour atteindre l’objectif de sĂ©curitĂ© juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, le lĂ©gislateur communautaire a Ă©laborĂ© une rĂ©glementation de la vente du fonds de commerce qui produit un effet direct dans les lĂ©gislations des Etats-Parties. L’avantage d’une telle rĂ©glementation rĂ©side surtout dans la nĂ©cessitĂ© de protĂ©ger les crĂ©anciers qui ont acceptĂ© de faire crĂ©dit au vendeur sur la base du nantissement du fonds de commerce (ou de ses Ă©lĂ©ments cessibles) ou mĂȘme ceux qui ont acceptĂ© de lui faire crĂ©dit sans garantie, c’est-Ă -dire, ceux qui n’ont qu’un droit de gage gĂ©nĂ©ral et qui risquent de voir Ă©chapper cet Ă©lĂ©ment important du patrimoine de leur dĂ©biteur. Comment le lĂ©gislateur communautaire organise-t-il cette protection ? A l’instar du lĂ©gislateur français, il impose Ă  l’acquĂ©reur l’obligation de publier la vente pour leur permettre d’exercer leur droit d’opposition au paiement du prix entre les mains du vendeur et leur droit de surenchĂšre contre toute vente portant sur un prix dĂ©risoire afin de concourir au paiement du prix dans la mesure oĂč, tous ont droit au paiement de leur crĂ©ance Ă  l’échĂ©ance ( ).

A cette obligation prĂ©alable d’information des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce, s’ajoutent d’autres mentions obligatoires prĂ©vues Ă  l’article 150 de l’AUDCG aux fins de l’accomplissement des formalitĂ©s d’immatriculation et de publicitĂ©. Avant toute formalitĂ© de publicitĂ©, l’acte de vente passĂ© sous une forme Ă©crite ( ), doit conformĂ©ment Ă  l’article 152 de l’AUDCG, sous peine de la nullitĂ©, ĂȘtre enregistrĂ© ( ) Ă  la diligence de l’acheteur ou du vendeur au Registre du Commerce et du CrĂ©dit Mobilier (RCCM). Puis, chacune des parties doit procĂ©der en ce qui la concerne, Ă  l’insertion dans le RCCM recueillant son immatriculation de toutes les modifications intervenues par le changement de la propriĂ©tĂ© ( ). Ce n’est qu’aprĂšs l’accomplissement de l’enregistrement, que l’article 153 de l’AUDCG fait obligation Ă  l’acquĂ©reur de publier la vente.

Quel est alors l’intĂ©rĂȘt de cette publicitĂ© qu’impose le lĂ©gislateur OHADA Ă  l’acquĂ©reur du fonds de commerce ? Si la publicitĂ© de la vente du fonds de commerce permet aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce, d’exercer les prĂ©rogatives d’opposition et de surenchĂšre, qu’en est-il alors, lorsqu’ils n’ont pas exercĂ© ces prĂ©rogatives : disposent-ils encore d’autres moyens pour faire valoir leurs droits ? Si dans cette hypothĂšse, ils n’ont ni le droit de critiquer le paiement fait par l’acheteur au vendeur, ni celui d’invoquer le bĂ©nĂ©fice de la surenchĂšre, ils peuvent nĂ©anmoins recourir Ă  des actions de droit commun nĂ©cessaires au recouvrement de leur crĂ©ance en application des dispositions de l’AUPSRVE (Acte Uniforme Portant Organisation des ProcĂ©dures SimplifiĂ©es de Recouvrement et des Voies d’ExĂ©cution). A cette fin, le lĂ©gislateur a amĂ©nagĂ© des procĂ©dures tendant Ă  assurer la sauvegarde de leurs droits et intĂ©rĂȘts, d’abord en instituant des garanties Ă  leur profit et ensuite en leur reconnaissant le droit de recourir au recouvrement forcĂ© de leurs crĂ©ances. Si tous les crĂ©anciers connus (du fait de l’inscription de leur crĂ©ance sur le fonds de commerce), qu’ils soient nantis ( ) ou privilĂ©giĂ©s ( ), peuvent facilement recourir aux dispositions des Actes Uniformes qui leur accordent certains privilĂšges, les crĂ©anciers non-inscrits (Ă  l’instar des crĂ©anciers chirographaires), doivent eux s’adresser au juge des rĂ©fĂ©rĂ©s pour obtenir un titre exĂ©cutoire leur permettant d’agir.

Toutes les mesures protectrices de leurs droits peuvent ĂȘtre dĂ©celĂ©es dans divers Actes Uniformes (AUDCG, AUPSRVE, AUS « Acte Uniforme portant Droit des SĂ»retĂ©s », etc.) et dans les dispositions du Code civil, mais aussi, en raison de son caractĂšre supranational ( ), le droit OHADA renvoie-il aux lĂ©gislations nationales pour garantir de maniĂšre complĂ©mentaire une plus grande sĂ©curitĂ© juridique aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce ( ). Dans le prolongement de la protection lĂ©gale, le juge OHADA ( ) intervient aussi pour assurer la sauvegarde des droits des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce Ă  travers l’application des normes communautaires protectrices, dans la mesure oĂč, selon le Professeur BarthĂ©lemy MERCADAL, le droit OHADA « reçoit des applications qui rĂ©vĂšlent, en effet, que ses juges sont aptes Ă  le saisir et Ă  le faire vivre » ( ). Le rĂŽle de l’application des normes lĂ©gales est dĂ©volu aux juridictions nationales qui connaissent du contentieux en premiĂšre instance et en appel et Ă  la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (Ă  ses articles 13 et 14 du TraitĂ©) qui statue en cassation ( ) afin de veiller Ă  l’interprĂ©tation et l’application communes du TraitĂ©. Pour concilier sa mission de gardienne des lois et de garant des droits individuels, la Cour s’évertue Ă  assurer la protection des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce, tout en veillant Ă  concilier l’équilibre des intĂ©rĂȘts contradictoires en des parties prĂ©sence ( ).

Il ressort de tout ce qui prĂ©cĂšde que le lĂ©gislateur OHADA a amĂ©nagĂ© des modalitĂ©s de protection des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce Ă  travers d’une part, les prĂ©rogatives tendant Ă  prĂ©server leurs droits et intĂ©rĂȘts (I) et d’autre part, les garanties de paiement qu’il institue en leur faveur pour le recouvrement de leur crĂ©ance (II).
 
I – Les prĂ©rogatives accordĂ©es aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce.

En organisant la procĂ©dure de publicitĂ© destinĂ©e Ă  informer les tiers et plus particuliĂšrement les crĂ©anciers du vendeur (notamment ceux qui sont inscrits sur fonds de commerce) de la cession du fonds de commerce, le lĂ©gislateur OHADA entend assurer la protection de leurs droits et la sauvegarde de leurs intĂ©rĂȘts. C’est une mesure de prĂ©caution instituĂ©e Ă  leur profit, qu’ils soient d’ailleurs crĂ©anciers chirographaires ou crĂ©anciers privilĂ©giĂ©s, ils sont indirectement concernĂ©s par cette vente et ont intĂ©rĂȘt Ă  la surveiller pour qu’elle n’intervienne en fraude de leurs droits. Si leurs droits sont sauvegardĂ©s par la formalitĂ© de la publicitĂ©, qu’en est-il alors de la vente non publiĂ©e ou de celle qui est intervenue en fraude de leurs droits ? Le lĂ©gislateur OHADA Ă©tant restĂ© muet sur la question, il importe de combler le vide juridique en recourant Ă  d’autres dispositions lĂ©gales qui concourent Ă  la sauvegarde des droits et intĂ©rĂȘts des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce.

Il convient d’examiner les prĂ©rogatives que la loi accorde aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce dans une vente rĂ©guliĂšrement publiĂ©e et dans celle qui ne l’est pas.

A- Dans une vente réguliÚrement publiée.
Pour protĂ©ger les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce, le lĂ©gislateur OHADA soumet Ă  publicitĂ© toute vente de fonds de commerce, y compris celle intervenue sous forme d’apport d’un fonds de commerce Ă  une sociĂ©tĂ© ( ). A cet effet, l’article 153 de l’AUDCG impose Ă  l’acheteur, l’obligation de publier la vente, sous forme d’avis, dans un journal habilitĂ© Ă  publier des annonces lĂ©gales et paraissant dans le lieu oĂč le vendeur est inscrit au RCCM. L’Acte uniforme ne donnant pas de dĂ©finition, se contente seulement d’indiquer que cette insertion doit ĂȘtre faite dans un Journal d’Annonces LĂ©gales ( ). L’avantage de la publicitĂ© est de porter la vente Ă  la connaissance du public pour permettre aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce de faire opposition au paiement du prix ou d’exercer leur droit de surenchĂšre. La publicitĂ© constitue une condition d’opposabilitĂ© aux tiers du paiement du prix de la vente du fonds de commerce et non de la vente elle-mĂȘme.

Avertis de la vente par le biais de la publicitĂ© ( ), les crĂ©anciers du vendeur disposent de deux principaux moyens de protection que sont l’opposition et la surenchĂšre.

1 – Le droit d’opposition des crĂ©anciers.
L’opposition est une prĂ©rogative reconnue Ă  tous les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce, titulaires d’une crĂ©ance civile ou commerciale, peu importe qu’elle soit exigible ou conditionnelle, pourvu qu’elle soit certaine. Cette prĂ©rogative leur permet d’interdire Ă  l’acquĂ©reur de payer le prix directement entre les mains du vendeur. InformĂ©s de cette vente, ils ne peuvent plus s’opposer au paiement du prix, dĂšs lors que le dĂ©lai lĂ©gal de la publicitĂ© est expirĂ©. Cette mesure est une condition prĂ©alable au dĂ©clenchement de la procĂ©dure de surenchĂšre, dans la mesure oĂč, tout crĂ©ancier chirographaire qui n’a pas fait opposition dans le dĂ©lai requis perd les droits de contester le paiement du prix au vendeur.
Pour que l’opposition puisse produire des effets, le crĂ©ancier du vendeur de fonds de commerce doit respecter les conditions nĂ©cessaires Ă  l’exercice de cette prĂ©rogative.

a) – Les conditions de l’opposition.
Pour faciliter aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce l’exercice de cette prĂ©rogative, le lĂ©gislateur OHADA impose certaines conditions prĂ©alables Ă  l’acquĂ©reur du fonds de commerce. AprĂšs avoir effectuĂ© les formalitĂ©s de publicitĂ© destinĂ©e Ă  informer les crĂ©anciers, l’article 157 de l’AUDCG fait obligation Ă  l’acheteur de payer le prix, aux jours et lieu fixĂ©s dans l’acte de vente, entre les mains du notaire ou de tout Ă©tablissement bancaire dĂ©signĂ© en qualitĂ© de sĂ©questre d’un commun accord entre les parties. Le notaire ou l’établissement bancaire devra conserver les fonds pendant le dĂ©lai de 30 jours ( ).

Le crĂ©ancier doit former opposition au paiement du prix de vente dans ce dĂ©lai, Ă  compter de la publication de la vente dans un Journal d’Annonces LĂ©gales. L’acte d’opposition doit Ă  peine de nullitĂ©, Ă©noncer outre les mentions d’identification du crĂ©ancier opposant, le montant et les causes de la crĂ©ance et contenir Ă©lection de domicile dans le ressort de la juridiction oĂč est tenu le Registre du Commerce et du CrĂ©dit Mobilier (RCCM). C’est Ă  cette condition d’accomplissement des formalitĂ©s et sous rĂ©serve de l’apport de la preuve de l’existence de la crĂ©ance qu’une juridiction nationale a, conformĂ©ment aux dispositions des articles 128 et 129 de l’A.U.D.C.G. (ancienne version) reconnu le droit Ă  l’opposition Ă  un crĂ©ancier du vendeur de fonds de commerce ( ). L’article 159 de l’AUDCG impose au crĂ©ancier opposant sous peine de nullitĂ©, l’obligation de formuler l’opposition par acte extrajudiciaire ( ) signifiĂ©e Ă  l’acquĂ©reur et de notifier au notaire ou Ă  l’établissement bancaire dĂ©signĂ© en qualitĂ© de sĂ©questre et au greffe de la juridiction ou Ă  l’organe compĂ©tent dans l’État Partie qui tient le RCCM sur lequel est inscrit le vendeur, Ă  charge pour le greffier ou l’organe compĂ©tent dans l’Etat Partie de procĂ©der Ă  l’inscription de cette opposition sur le RCCM.

L’opposition rĂ©guliĂšrement effectuĂ©e, est susceptible de produire des effets juridiques.

b) – Les effets de l’opposition.
L’article 160 de l’AUDCG dĂ©clare que l’opposition rĂ©guliĂšrement formĂ©e produit un effet conservatoire. Elle rend le prix de vente indisponible, qui reste bloquĂ© entre les mains du sĂ©questre, jusqu’à l’expiration du dĂ©lai des oppositions ou jusqu’au rĂšglement s’il y a des oppositions. L’opposition a Ă©galement pour effet d’empĂȘcher le vendeur de consentir une rĂ©duction de prix et ou de modifier le montant du prix pour permettre au crĂ©ancier opposant de surenchĂ©rir : le vendeur ne peut plus, dĂšs lors qu’il y a opposition, disposer de sa crĂ©ance sur l’acheteur. Elle a aussi pour effet de fixer la crĂ©ance Ă  l’égard des crĂ©anciers, le crĂ©ancier opposant doit, sous peine de forclusion, saisir la juridiction compĂ©tente pour constater la crĂ©ance et en rĂ©clamer le montant dans le dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la notification de l’opposition ( ). L’opposition n’engendre au profit des crĂ©anciers ni un transfert du prix ni un privilĂšge mais empĂȘche simplement le paiement du prix. Si elle est justifiĂ©e, l’acheteur est alors tenu de verser le prix entre les mains des crĂ©anciers opposants. ConsidĂ©rĂ©e comme une mesure conservatoire et non un acte de saisie, l’opposition place tous les crĂ©anciers sur un mĂȘme pied d’égalitĂ© en permettant Ă  d’autres de se joindre Ă  la procĂ©dure tant que le dĂ©lai requis n’est pas expirĂ©. Par consĂ©quent, l’opposant mĂȘme inscrit sera en concours avec d’autres crĂ©anciers opposants qui peuvent se joindre Ă  la procĂ©dure (article 130 de l’AUPSRVE).

L’opposition rĂ©guliĂšre ouvre aux crĂ©anciers le droit de surenchĂ©rir du sixiĂšme du prix et de se faire payer sur le supplĂ©ment rĂ©sultant de la surenchĂšre. Tout paiement effectuĂ© par l’acheteur au mĂ©pris des oppositions ou sans avoir publiĂ© la vente, ou sans avoir attendu l’expiration du dĂ©lai donnĂ© aux crĂ©anciers du vendeur pour faire opposition, est inopposable aux opposants, Ă  hauteur du montant des oppositions. L’article 162 de l’AUDCG rend nulle, toute opposition qui, dans le mois de sa notification, n’est pas levĂ©e amiablement ou ne donne pas lieu Ă  la saisine du juge. Toute personne intĂ©ressĂ©e peut saisir le juge statuant Ă  bref dĂ©lai qui constate cette nullitĂ© et ordonne la mainlevĂ©e de l’opposition, sans prĂ©judice de l’action en dommages-intĂ©rĂȘts pour opposition abusive.

L’opposition faite Ă  la lĂ©gĂšre, c’est-Ă -dire ne se fondant ni sur un titre ni sur une cause rĂ©elle, serait nulle en la forme faute d’avoir respectĂ© les exigences lĂ©gales, le vendeur peut demander et obtenir de la juridiction compĂ©tente statuant Ă  bref dĂ©lai, la mainlevĂ©e de l’opposition et le versement des fonds entre ses mains, en contrepartie d’un cautionnement, ou d’une garantie Ă©quivalente au montant de la crĂ©ance objet de l’opposition. Le crĂ©ancier opposant peut dĂ©cider d’une mainlevĂ©e amiable qu’il notifie au vendeur dans les formes identiques de l’opposition. Le prix de vente du fonds sera ainsi rĂ©parti entre les crĂ©anciers par le sĂ©questre selon le mode de rĂ©partition dĂ©terminĂ© dans l’acte d’opposition ou Ă  dĂ©faut de rĂ©partition amiable, par une procĂ©dure simplifiĂ©e de distribution par le juge compĂ©tent saisi. Le prix ne sera rĂ©parti qu’aprĂšs rĂšglement des crĂ©anciers privilĂ©giĂ©s, entre tous les crĂ©anciers, opposants ou non, Ă  proportion de leur crĂ©ance. La rĂ©partition pourra ĂȘtre retardĂ©e si l’un des crĂ©anciers inscrits ou opposants du vendeur prend l’initiative d’une surenchĂšre, puisque le prix dĂ©finitif Ă  rĂ©partir ne pourra alors ĂȘtre connu qu’à l’issue de cette procĂ©dure.
AprĂšs l’opposition, les crĂ©anciers sont autorisĂ©s Ă  exercer leur droit de surenchĂšre.

2 – Le droit de surenchĂšre.
L’article 1583 du code civil subordonne la validitĂ© de la vente au transfert de la propriĂ©tĂ© du fonds et au versement d’un « prix rĂ©el, sĂ©rieux et sincĂšre ». La vente portant sur le prix dĂ©risoire ou fictif qu’évoque l’article 1591 du Code civil est sanctionnĂ©e par l’article 158 de l’AUDCG qui dĂ©clare « nulle et de nul effet toute contre-lettre ou convention ayant pour objet ou pour effet de dissimuler tout ou partie du prix de cession du fonds de commerce »( ). ComplĂ©tant l’article 177 de l’Acte Uniforme portant SuretĂ©s (AUS), l’article 163 de l’AUDCG autorise les crĂ©anciers inscrits Ă  exercer un droit de surenchĂšre au mĂȘme titre que les crĂ©anciers qui ont rĂ©guliĂšrement fait opposition. La surenchĂšre est une procĂ©dure destinĂ©e Ă  protĂ©ger les crĂ©anciers du vendeur contre toute vente du fonds faite Ă  un prix dĂ©risoire ou Ă  un prix dissimulĂ©. Elle doit ĂȘtre effectuĂ©e dans le dĂ©lai d’un mois qui suit la publication de la vente et n’est admise que si le prix proposĂ© par l’acquĂ©reur est insuffisant pour dĂ©sintĂ©resser les crĂ©anciers inscrits ou opposants. Toutefois, qu’ils soient nantis ou opposants, les crĂ©anciers inscrits bĂ©nĂ©ficient du mĂȘme droit de surenchĂšre qui s’exerce dans le mĂȘme dĂ©lai d’un mois Ă  compter ou aprĂšs adjudication ( ).

Tout comme en matiùre d’opposition, la surenchùre est soumise à conditions d’exercice et produit des effets.

a) – Les conditions de la surenchĂšre.
L’article 162 fixe les conditions de surenchĂšre qui prĂ©voit qu’elle doit ĂȘtre introduite par assignation au greffe de la juridiction compĂ©tente. La surenchĂšre permet aux crĂ©anciers du cĂ©dant non satisfaits du prix d’acquisition proposĂ©, d’exiger que le fonds soit vendu aux enchĂšres publiques Ă  un prix supĂ©rieur d’un sixiĂšme du prix des Ă©lĂ©ments incorporels du fonds tel qu’il est portĂ© dans l’acte de cession initiale, Ă  l’exception du matĂ©riel et des marchandises. Sont ainsi admis Ă  surenchĂ©rir les crĂ©anciers privilĂ©giĂ©s et nantis ainsi que ceux qui ont fait l’opposition dans le dĂ©lai lĂ©gal. Aux termes de l’article 163, alinĂ©a 3 de l’AUDCG, le crĂ©ancier surenchĂ©risseur doit consigner dans le mĂȘme dĂ©lai d’un mois, au greffe de la juridiction compĂ©tente, le montant du prix augmentĂ© du sixiĂšme. Il s’engage, dans le cas oĂč il n’y aurait pas d’offre supĂ©rieure, Ă  se porter acquĂ©reur du fonds pour un prix Ă©gal au prix initialement convenu avec l’acquĂ©reur majorĂ© du sixiĂšme.

Le tribunal saisi de l’assignation de surenchĂšre examine si la notification satisfait aux conditions de fond et de forme prescrites par la loi avant de valider la surenchĂšre et d’ordonner la vente publique du fonds de commerce. Dans son jugement, il fixe la mise Ă  prix, dĂ©termine les conditions principales de la vente et commet un officier ministĂ©riel pour y procĂ©der et pour dresser un cahier des charges ( ). Dans les 15 jours francs de la surenchĂšre, le surenchĂ©risseur publie Ă  ses frais avancĂ©s, dans un journal habilitĂ© Ă  publier des annonces lĂ©gales et paraissant dans le lieu oĂč le vendeur est inscrit au RCCM, un avis comportant l’indication du lieu et de la date de la vente en justice ainsi que des modalitĂ©s de consultation du cahier des charges. PassĂ© ce dĂ©lai, la surenchĂšre est nulle de plein droit et les frais en sont dĂ©finitivement supportĂ©s par le seul surenchĂ©risseur ( ). Aucune nouvelle opposition ne peut ĂȘtre formĂ©e pendant la procĂ©dure de surenchĂšre.

Lorsque la surenchÚre est réguliÚrement formée, elle produit des effets juridiques.

b) – Les effets de la surenchĂšre.
La surenchĂšre a pour effet de provoquer la vente aux enchĂšres publiques du fonds de commerce qui se fait Ă  la barre de la juridiction compĂ©tente, sous la forme des criĂ©es. Le fonds mis aux enchĂšres est adjugĂ© au plus fort enchĂ©risseur. L’adjudication est constatĂ©e par un procĂšs-verbal dressĂ© par l’officier ministĂ©riel chargĂ© de la vente. L’adjudication consĂ©cutive Ă  la surenchĂšre du sixiĂšme, entraĂźne la rĂ©solution de la vente initiale. Lorsqu’une surenchĂšre aura Ă©tĂ© notifiĂ©e, chacun des crĂ©anciers inscrits ou opposants aura le droit de se faire subroger Ă  la poursuite, si le surenchĂ©risseur ne donne pas suite Ă  l’action dans le mois de la surenchĂšre. Si aucun enchĂ©risseur ne se porte acquĂ©reur au prix proposĂ©, c’est le crĂ©ancier surenchĂ©risseur du sixiĂšme qui est dĂ©clarĂ© acquĂ©reur ; il doit donc payer le prix nouveau, le prĂ©cĂ©dent acquĂ©reur est alors dĂ©chargĂ©. Aussi, afin d’éviter la surenchĂšre, le vendeur peut, pour dĂ©sintĂ©resser les crĂ©anciers opposants, faire des offres rĂ©elles de paiement qui doivent ĂȘtre consignĂ©es et validĂ©es par un jugement et Ă  dĂ©faut, le tribunal peut dĂ©cider la mise aux enchĂšres publiques du fonds. Aussi, en garantie du paiement de leurs crĂ©ances, l’acquĂ©reur du fonds de commerce peut initier la procĂ©dure de purge permettant de dĂ©sintĂ©resser tous les crĂ©anciers inscrits en rĂ©glant directement le prix, en partie ou en totalitĂ©, entre leurs mains, en contrepartie de la radiation de leur inscription (article 64 de l’AUS). La rĂ©partition du prix de vente du fonds de commerce entre les crĂ©anciers surenchĂ©risseurs se fait selon qu’il y ait un ou plusieurs crĂ©anciers conformĂ©ment aux dispositions de l’AUPSRVE.

Si les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce peuvent exercer les prĂ©rogatives lĂ©gales qui leur sont reconnues dans le cas d’une vente rĂ©guliĂšrement publiĂ©e, qu’en est-il alors de la vente non publiĂ©e ?

B – Dans une vente non publiĂ©e.

L’acquĂ©reur qui n’effectue pas la formalitĂ© de publicitĂ© de la vente ou qui procĂšde Ă  une publicitĂ© irrĂ©guliĂšre s’expose en application de l’article 1242 du code civil Ă  payer une seconde fois le prix entre les mains des crĂ©anciers du vendeur. Pour leur garantir la sĂ©curitĂ© juridique, le lĂ©gislateur OHADA a instituĂ© au profit des crĂ©anciers du vendeur du fonds de commerce, des mesures spĂ©ciales de protection portant sur la dĂ©chĂ©ance du terme et l’exercice de l’action paulienne. Ces mesures permettent Ă  un crĂ©ancier, victime d’une fraude portant sur le fonds de commerce de solliciter du juge le paiement anticipĂ© de sa crĂ©ance par la dĂ©chĂ©ance du terme ou l’exercice de l’action paulienne. Il peut Ă©galement recourir au privilĂšge de l’action pĂ©nale pour dĂ©lit d’organisation volontaire d’insolvabilitĂ© en application des lĂ©gislations nationales ( ).

1°) – La dĂ©chĂ©ance du terme.
La dĂ©chĂ©ance du terme dĂ©signe la perte pour le bĂ©nĂ©ficiaire d’un contrat Ă  Ă©chĂ©ance, de la facultĂ© de payer sa dette selon l’échĂ©ancier prĂ©vu. La dĂ©chĂ©ance du terme qui rend la dette immĂ©diatement exigible, peut ĂȘtre demandĂ©e sous certaines conditions par les crĂ©anciers chirographaires et ceux qui sont inscrits sur le fonds de commerce. La dĂ©chĂ©ance du terme qui rĂ©sulte de l’insolvabilitĂ© du dĂ©biteur n’est pas encourue de plein droit, mais doit ĂȘtre demandĂ©e en justice. Ainsi, en cas de vente ou de rĂ©alisation du fonds, l’article 174 de l’AUS autorise les crĂ©anciers chirographaires Ă  demander en justice la dĂ©chĂ©ance du terme de leurs crĂ©ances pour concourir Ă  la distribution du prix. Aussi, le lĂ©gislateur assure une protection spĂ©ciale aux crĂ©anciers nantis qui ont rĂ©guliĂšrement inscrit leur garantie en leur accordant le droit de provoquer la dĂ©chĂ©ance du terme, notamment lorsque le propriĂ©taire du fonds, sur qui pĂšse l’obligation de notifier dans le dĂ©lai de quinze au moins Ă  l’avance, le dĂ©placement du fonds de commerce en indiquant le nouvel emplacement qu’il entend lui fixer, opĂšre ce dĂ©placement sans une notification rĂ©guliĂšre (article 175, alinĂ©a 2). Cette information doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par acte extrajudiciaire (c’est-Ă -dire par exploit d’huissier). Dans l’hypothĂšse oĂč cette signification n’est pas rĂ©alisĂ©e, la crĂ©ance est exigible de plein droit. Le crĂ©ancier inscrit qui refuse de consentir au dĂ©placement peut, dans les quinze jours suivant la notification, demander la dĂ©chĂ©ance du terme s’il y a diminution de sa sĂ»retĂ©. Le crĂ©ancier inscrit qui a consenti au dĂ©placement conserve sa sĂ»retĂ© s’il fait mentionner son accord, dans le mĂȘme dĂ©lai, en marge de l’inscription initiale. Si le fonds est transfĂ©rĂ© dans un autre Etat Partie, l’inscription initiale, Ă  la demande du crĂ©ancier inscrit, est reportĂ©e sur le Registre du Commerce et du CrĂ©dit Mobilier oĂč est transfĂ©rĂ© le fonds.

Outre la dĂ©chĂ©ance du terme, les droits et intĂ©rĂȘts des crĂ©anciers sont prĂ©servĂ©s contre toute tentative de fraude par la facultĂ© qui leur est reconnue de procĂ©der Ă  l’exercice de l’action paulienne.

2°) – L’action paulienne.
L’action paulienne est prĂ©vue par l’article 1167 du code civil qui accorde le droit aux crĂ©anciers, d’attaquer en leur nom personnel, les actes faits par leur dĂ©biteur en fraude de leurs droits. Etant en proie Ă  d’éventuelles contestations et ordres de prioritĂ© de paiement, les crĂ©anciers chirographaires n’ont aucune garantie particuliĂšre puisque le lĂ©gislateur OHADA se contente d’un simple renvoi aux dispositions des articles 2092 et 2093 du Code civil (C. civ.) ( ). Ces textes leur reconnaissent un droit de gage gĂ©nĂ©ral sur le patrimoine de leur dĂ©biteur, qui constitue une garantie prĂ©caire. Mais comme, ils ont Ă  craindre que leur dĂ©biteur ne compromette ce gage en nĂ©gligeant leurs droits, ou en dissimulant ses biens ou en les faisant sortir frauduleusement de son patrimoine, ils auront Ă  recourir Ă  l’exercice de l’action paulienne dĂ©crite par l’article 1167 du C. civ. Reconnue Ă  tous les crĂ©anciers, l’action paulienne ou action rĂ©vocatoire est l’action par laquelle le crĂ©ancier demande la rĂ©vocation des actes d’appauvrissement accomplis par le dĂ©biteur en fraude de ses droits. La condition nĂ©cessaire Ă  la mise en Ɠuvre de l’action paulienne qui doit ĂȘtre dirigĂ©e non pas seulement contre le dĂ©biteur mais essentiellement contre le tiers acquĂ©reur, est « l’insolvabilitĂ© du dĂ©biteur ». L’acte d’appauvrissement peut dĂ©couler d’un contrat Ă  titre onĂ©reux ou d’un contrat Ă  titre gratuit. Mais, l’action paulienne a surtout pour intĂ©rĂȘt de rendre l’acte frauduleux inopposable au crĂ©ancier agissant.

L’exercice de l’action paulienne est soumis à des conditions et produit des effets.

a) – Les conditions de l’action Paulienne.
L’action paulienne n’est recevable que lorsque le crĂ©ancier justifie de l’existence d’une crĂ©ance et d’un prĂ©judice que lui aurait fait subir le dĂ©biteur avec la complicitĂ© des tiers acquĂ©reurs du fonds de commerce. La crĂ©ance dont il peut se prĂ©valoir, doit ĂȘtre une crĂ©ance certaine en son principe « mĂȘme si elle n’est pas encore liquide et mĂȘme si elle n’est pas dĂ©jĂ  dĂ©finitivement fixĂ©e, elle doit ĂȘtre antĂ©rieure Ă  l’acte frauduleux » ( ). Pour que le juge dĂ©clare l’action recevable, il doit se placer Ă  la date de l’acte par lequel le dĂ©biteur s’est dĂ©pouillĂ© de ses biens pour apprĂ©cier s’il y a fraude ou non ( ). La fraude est caractĂ©risĂ©e par un Ă©lĂ©ment matĂ©riel et un Ă©lĂ©ment moral qui doivent ĂȘtre prouvĂ©s par tous moyens par le crĂ©ancier qui a un intĂ©rĂȘt Ă  agir. L’élĂ©ment matĂ©riel de la fraude qui cause un prĂ©judice au crĂ©ancier s’entend de tout acte qui a rendu le dĂ©biteur insolvable ou a aggravĂ© son insolvabilitĂ©. Cette situation a gĂ©nĂ©ralement pour origine un acte d’appauvrissement, faisant sortir une valeur du patrimoine de l’intĂ©ressĂ©. En plus de l’élĂ©ment matĂ©riel, le crĂ©ancier doit Ă©tablir l’existence d’un Ă©lĂ©ment moral, qui n’implique pas forcĂ©ment une intention de nuire, mais peut rĂ©sulter de la seule connaissance que le dĂ©biteur a, du prĂ©judice causĂ© Ă  son crĂ©ancier ( ). Il peut Ă©tablir la complicitĂ© du tiers acquĂ©reur Ă  l’acte frauduleux rĂ©alisĂ© par le dĂ©biteur en dĂ©montrant sa participation consciente au prĂ©judice ou du moins la connaissance de l’existence ou de l’aggravation de l’insolvabilitĂ© du dĂ©biteur avec lequel il a traitĂ©.

Toutes ces conditions Ă©tant rĂ©unies, l’action paulienne produit des effets de droit.

b) – Les effets de l’action paulienne.
L’action paulienne a pour effet principal de rĂ©voquer rĂ©troactivement l’acte frauduleux afin de permettre le retour du bien altĂ©rĂ© dans le patrimoine du dĂ©biteur. Elle facilite Ă©ventuellement, la saisie entre les mains du tiers acquĂ©reur, du fonds acquis au moyen de l’acte frauduleux. A l’égard du crĂ©ancier exerçant l’action, tout comme Ă  l’égard des autres crĂ©anciers, l’acte reste valable. Le dĂ©biteur dispose d’un moyen d’éviter la restitution en dĂ©sintĂ©ressant le crĂ©ancier pour ensuite se retourner contre le vendeur par l’exercice de l’action en garantie contre l’éviction. L’action paulienne est dirigĂ©e contre le dĂ©biteur fautif en mettant en cause le tiers acquĂ©reur et le crĂ©ancier l’exerce en vertu d’un droit personnel. En vertu de son effet purement relatif, l’action qui ne profite dans la limite de la crĂ©ance rĂ©clamĂ©e, qu’à celui qui l’a intentĂ©e, permet de rendre l’acte litigieux inopposable au seul crĂ©ancier poursuivant (qui n’aura pas Ă  craindre le concours des autres crĂ©anciers, s’ils ne sont pas intervenus dans le procĂšs). Le crĂ©ancier saisira Ă©ventuellement le fonds entre les mains du tiers acquĂ©reur ou poursuivre sa vente forcĂ©e lorsqu’il est rĂ©intĂ©grĂ© dans le patrimoine du dĂ©biteur. Lorsqu’il ne peut pas saisir le fonds entre les mains du tiers, il est fondĂ© Ă  demander la rĂ©paration du prĂ©judice qui lui sera accordĂ©e sous forme d’une indemnitĂ© Ă  verser par le tiers acquĂ©reur. S’il reste un excĂ©dent de valeur aprĂšs le dĂ©sintĂ©ressement du crĂ©ancier, cet excĂ©dent doit rester au tiers acquĂ©reur. Ce dernier a en outre, une action rĂ©cursoire contre le dĂ©biteur afin de se faire indemniser des valeurs dont il a Ă©tĂ© privĂ©.
Outre ces prĂ©rogatives, la loi a Ă©galement instituĂ© des garanties au profit des crĂ©anciers impayĂ©s du vendeur de fonds de commerce leur permettant d’obtenir le paiement de leur crĂ©ance.
 
II – Les garanties de paiement instituĂ©es au profit des crĂ©anciers du vendeur du fonds de commerce.

La loi accorde la facultĂ© Ă  tout crĂ©ancier impayĂ© de recourir Ă  l’exercice des voies d’exĂ©cution ( ) prĂ©vues aux articles 28 et suivants de l’AUPSRVE. Cette garantie appartient sans distinction Ă  « tout crĂ©ancier chirographaire ou privilĂ©giĂ© » dans les conditions dĂ©finies par l’article 31 de l’Acte Uniforme qui dĂ©clare que « l’exĂ©cution forcĂ©e n’est offerte qu’au crĂ©ancier justifiant d’une crĂ©ance certaine, liquide et exigible sous rĂ©serve des dispositions relatives Ă  l’apprĂ©hension et Ă  la revendication des meubles ». Le juge OHADA concourt Ă©galement Ă  la sĂ©curisation des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce en veillant Ă  l’application effective des normes lĂ©gales dans la mesure oĂč, c’est Ă  lui que le lĂ©gislateur a confiĂ© ce rĂŽle en amĂ©nageant son pouvoir d’intervention en matiĂšre de recouvrement des crĂ©ances ( ). Pour cela, les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce, auront Ă  choisir parmi un large Ă©ventail de mesures lĂ©gales ( ) que lui offre le lĂ©gislateur OHADA dont la mise en Ɠuvre nĂ©cessite le concours des personnes habilitĂ©es (huissiers de justice ou agents d’exĂ©cution). Ainsi, Ă  dĂ©faut d’un rĂšglement Ă  l’amiable, dĂšs lors qu’il est saisi par voie contentieuse, le juge statue en appliquant les normes OHADA en raison de leur supranationalitĂ© (conformĂ©ment Ă  l’article 10 du TraitĂ©) ou renvoie aux rĂšgles nationales supplĂ©tives.

Parmi les panoplies de mesures d’exĂ©cution existantes dĂ©crites ( ), ils auront Ă  choisir celles qui s’adaptent Ă  leur cas d’espĂšce, en optant soit pour les mesures conservatoires, soit en faveur des mesures d’exĂ©cution forcĂ©e.

A – Les mesures conservatoires.
Avant d’entreprendre toute exĂ©cution forcĂ©e de leurs crĂ©ances, l’article 54 de l’AUPSRVE autorise tout crĂ©ancier Ă  pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits et intĂ©rĂȘts (dissimulation ou disparition par le dĂ©biteur des biens, objet d’un droit de gage gĂ©nĂ©ral pour le crĂ©ancier, ou encore par nĂ©gligence). Ce texte dĂ©clare qu’à dĂ©faut d’exĂ©cution volontaire, toute personne dont la crĂ©ance parait fondĂ©e en son principe, peut par requĂȘte, solliciter de la juridiction compĂ©tente ( ) du domicile ou du lieu ou demeure le dĂ©biteur, une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens mobiliers corporels ou incorporels de son dĂ©biteur, sans commandement prĂ©alable pour faire jouer l’effet de surprise, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. Cette autorisation prĂ©alable pour pratiquer valablement une saisie conservatoire n’est pas requise lorsque le crĂ©ancier est muni d’un titre exĂ©cutoire ( ). Par cet assouplissement, il s’est agi pour lui de permettre au crĂ©ancier de conserver toute chance d’obtenir l’exĂ©cution de ce qui lui est dĂ». En outre, Ă  la diffĂ©rence de la saisie-vente, le commandement prĂ©alable n’est pas exigĂ©. Les mesures conservatoires ont pour effet de rendre indisponibles les biens saisis. Lorsqu’elles ont Ă©tĂ© obtenues et pratiquĂ©es sans titre exĂ©cutoire, le crĂ©ancier doit, dans le mois qui suit l’exĂ©cution de la mesure, Ă  peine de caducitĂ©, introduire une procĂ©dure aux fins d’obtenir un titre exĂ©cutoire.

Les mesures conservatoires sont constituĂ©es d’une part, des sĂ»retĂ©s judiciaires et d’autre part des saisies conservatoires.

1° – Les sĂ»retĂ©s judiciaires.
Les sĂ»retĂ©s judiciaires ( ) sont des procĂ©dures instituĂ©es par la loi permettant au crĂ©ancier de demander au juge compĂ©tent de lui accorder une hypothĂšque forcĂ©e judiciaire ou une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce ou sur des parts sociales ou sur des valeurs mobiliĂšres en garantie de l’exĂ©cution de ses obligations conformĂ©ment aux dispositions des articles 142 et 164 de l’AUS. L’article 198 de l’AUS rĂ©visĂ© autorise tout crĂ©ancier impayĂ© (y compris le crĂ©ancier du vendeur de fonds de commerce) Ă  demander Ă  la juridiction compĂ©tente qu’une l’hypothĂšque forcĂ©e judiciaire lui soit accordĂ©e, en prĂ©cisant que l’immeuble de son dĂ©biteur lui demeure en paiement. Cette facultĂ© n’est ouverte au crĂ©ancier qu’à la condition que le juge dĂ©signe un expert chargĂ© de dĂ©terminer la valeur de l’immeuble : « si la valeur de l’immeuble excĂšde le montant de la garantie du crĂ©ancier hypothĂ©caire, celui-ci doit au constituant une somme Ă©gale Ă  la diffĂ©rence et s’il existe d’autres crĂ©anciers hypothĂ©caires ( ), ce montant sera consignĂ© par le crĂ©ancier » ( ) et de vĂ©rifier l’existence et l’exigibilitĂ© de la crĂ©ance ( ). La juridiction compĂ©tente saisie accordera l’inscription provisoire en fixant un dĂ©lai (article 213 de l’AUS) au-delĂ  duquel, le crĂ©ancier doit, Ă  peine de caducitĂ© de l’autorisation ( ), former devant la juridiction compĂ©tente l’action en validitĂ© d’hypothĂšque conservatoire ou la demande au fond ( ), mĂȘme prĂ©sentĂ©e sous forme de requĂȘte Ă  fin d’injonction de payer, faute de quoi, le dĂ©biteur peut demander au juge la mainlevĂ©e de l’inscription provisoire ( ). Le crĂ©ancier peut aussi demander au juge compĂ©tent l’autorisation d’une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce ou sur les parts sociales et les valeurs mobiliĂšres du dĂ©biteur en garantie de l’exĂ©cution de ses obligations conformĂ©ment aux dispositions des articles 142 et 164 de l’AUS. Si le juge accorde le nantissement sur le fonds de commerce sa mise en Ɠuvre obĂ©it aux dispositions relatives Ă  la saisie conservatoire des droits d’associĂ©s et des valeurs mobiliĂšres des articles 85 Ă  90 de l’AUPSRVE.

Pour sauvegarder ses droits, le créancier peut juger utile de recourir également aux saisies conservatoires.

2°) – Les saisies conservatoires
Les saisies conservatoires sont des saisies qui ont pour objectif immĂ©diat de prĂ©venir l’insolvabilitĂ© du dĂ©biteur en l’empĂȘchant de disposer de certains biens et donc de les dilapider ou d’en diminuer la valeur afin de les prĂ©server au profit du crĂ©ancier. Les saisies conservatoires sont des saisies Ă  caractĂšre provisoire portant sur les biens mobiliers corporels ou incorporels appartenant au dĂ©biteur (crĂ©ances, comptes, etc.) appartenant au dĂ©biteur. Elle apporte une garantie au crĂ©ancier avant que ne soit prononcĂ© le jugement condamnant son dĂ©biteur Ă  payer sa crĂ©ance. Lorsqu’elles portent sur une crĂ©ance ayant pour objet une somme d’argent, l’acte de saisie la rend indisponible Ă  concurrence du montant autorisĂ© par la juridiction compĂ©tente. Le lĂ©gislateur OHADA offre le choix au crĂ©ancier qui remplit conformĂ©ment aux dispositions de l’article 54 de l’AUPSRVE, les conditions gĂ©nĂ©rales de saisir Ă  titre conservatoire les biens meubles corporels ou incorporels de son dĂ©biteur.

S’agissant alors de crĂ©anciers, victimes d’une vente clandestine du fonds de commerce par le vendeur, ils auront deux principaux moyens Ă  leur portĂ©e : soit procĂ©der Ă  une saisie conservatoire de la crĂ©ance du vendeur dĂ©tenue par un tiers (acquĂ©reur ou sĂ©questre), soit pour apprĂ©hender le bien (le fonds de commerce vendu frauduleusement) qui se trouve entre les mains de l’acquĂ©reur).

a)– Les saisies de crĂ©ance du dĂ©biteur.
Lorsque le crĂ©ancier du vendeur opte pour la saisie conservatoire de crĂ©ance, autrefois qualifiĂ©e de saisie-arrĂȘt, il doit se conformer aux prescriptions des articles 77 Ă  84 de l’AUPSRVE. Il peut s’adresser directement Ă  l’huissier de justice pour recourir Ă  la saisie conservatoire s’ils disposent d’un titre exĂ©cutoire, d’une dĂ©cision de justice non encore exĂ©cutoire, d’une lettre de change acceptĂ©e, d’un billet Ă  ordre ou d’un chĂšque ou loyer impayĂ©. Le crĂ©ancier procĂšde Ă  la saisie au moyen d’un acte d’huissier ou d’agent d’exĂ©cution signifiĂ© au tiers en respectant les formalitĂ©s imposĂ©es par les articles 54 et 55 de l’AUPSRVE. S’il ne dispose pas d’un des titres ci-dessus, il doit saisir par requĂȘte, Ă  dĂ©faut d’accord Ă  l’amiable, le juge de l’exĂ©cution d’une demande de saisie conservatoire, pour que les sommes saisies soient consignĂ©es entre les mains d’un sĂ©questre dĂ©signĂ© par la juridiction du domicile ou du lieu oĂč demeure le dĂ©biteur. Dans un dĂ©lai de huit jours, Ă  peine de caducitĂ©, la loi fait l’obligation au crĂ©ancier, Ă  l’article 79 de porter la saisie conservatoire Ă  la connaissance du dĂ©biteur par acte d’huissier ou d’agent d’exĂ©cution. De mĂȘme, elle oblige aussi le tiers (article 80) Ă  fournir Ă  l’huissier ou Ă  l’agent d’exĂ©cution les renseignements prĂ©vus Ă  l’article 156 ci-aprĂšs et de lui remettre copie de toutes piĂšces justificatives. Les renseignements sont mentionnĂ©s dans le procĂšs-verbal.

Le tiers saisi qui, sans motif lĂ©gitime, ne fournit pas les renseignements prĂ©vus, s’expose Ă  devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a Ă©tĂ© pratiquĂ©e si celle-ci est convertie en saisie attribution sauf son recours contre le dĂ©biteur. Il peut aussi ĂȘtre condamnĂ© Ă  des dommages intĂ©rĂȘts en cas de nĂ©gligence fautive ou de dĂ©claration inexacte ou mensongĂšre. A dĂ©faut de contestation des dĂ©clarations du tiers avant l’acte de conversion, celles-ci sont rĂ©putĂ©es exactes pour les seuls besoins de la saisie. Les crĂ©ances saisies sont ainsi bloquĂ©es entre ses mains jusqu’à la conversion de la mesure en saisie-attribution. Cette conversion est prĂ©vue par l’article 82 de l’AUPSRVE qui prĂ©cise que muni d’un titre exĂ©cutoire constatant l’existence de sa crĂ©ance, le crĂ©ancier signifie au tiers saisi un acte de conversion qui contient, sous peine de nullitĂ© toutes mentions relatives aux saisi et au saisissant, la rĂ©fĂ©rence au procĂšs-verbal de saisie conservatoire, la copie du titre exĂ©cutoire sauf si celui-ci a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© communiquĂ© lors de la signification du procĂšs-verbal de saisie, le dĂ©compte distinct des sommes dues en principal, frais et intĂ©rĂȘts Ă©chus ainsi que l’indication du taux des intĂ©rĂȘts et une demande de paiement des sommes prĂ©cĂ©demment indiquĂ©es Ă  concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© dĂ©biteur. L’acte informe le tiers que, dans cette limite, la demande entraĂźne attribution immĂ©diate de la crĂ©ance saisie au profit du crĂ©ancier.

Outre la saisie conservatoire de crĂ©ances, le crĂ©ancier du vendeur de fonds de commerce dispose d’une action encore plus significative, celle portant sur le fonds de commerce.

b) – Les saisies-apprĂ©hension du fonds de commerce.
Les crĂ©anciers peuvent pratiquer une saisie-apprĂ©hension sur le fonds de commerce conformĂ©ment aux articles 218 Ă  226 de l’AUPSRVE qui autorisent cette forme de saisie sur les biens meubles du dĂ©biteur. C’est une procĂ©dure qui permet de faire apprĂ©hender, par ministĂšre d’huissier, un meuble corporel entre les mains de celui qui est tenu de le restituer au crĂ©ancier. Les mĂ©canismes diffĂšrent lorsqu’il s’agit de saisir entre les mains du dĂ©biteur oĂč entre les mains du tiers acquĂ©reur. La saisie apprĂ©hension entre les mains du dĂ©biteur de l’obligation comporte deux actes : le commandement de dĂ©livrer ou de restituer le bien et l’acte de constatation de la remise volontaire ou de l’apprĂ©hension du bien. Le commandement de dĂ©livrer ou de restituer est signifiĂ© au dĂ©biteur qui doit s’offrir Ă  effectuer le transfert du bien Ă  ses propres frais dans un dĂ©lai de huit jours.

Le bien peut aussi ĂȘtre apprĂ©hendĂ© immĂ©diatement, sans commandement prĂ©alable et sur la seule prĂ©sentation du titre exĂ©cutoire, si le dĂ©biteur prĂ©sent refuse l’apprĂ©hension du bien, objet de la saisie (article 220 AUPSRVE). A cet effet, l’acte d’apprĂ©hension doit prĂ©ciser que les contestations pourront ĂȘtre portĂ©es devant la juridiction du lieu oĂč demeure celui auquel le bien est retirĂ©. L’huissier dressera un acte constatant soit la remise volontaire, soit l’apprĂ©hension du bien, avec description dĂ©taillĂ©e et, si besoin, la photographie. Si la saisie apprĂ©hension est effectuĂ©e entre les mains d’un tiers, une sommation de remettre est directement signifiĂ©e Ă  ce tiers (article 224). S’il refuse, le crĂ©ancier ou le tiers lui-mĂȘme peut saisir la juridiction compĂ©tente dans un dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la sommation, faute de quoi la sommation et toutes mesures conservatoires qui auraient pu ĂȘtre prises sont caduques (article 225). Si le juge ordonne la saisie du bien, celui-ci peut ĂȘtre apprĂ©hendĂ© immĂ©diatement sur prĂ©sentation de la dĂ©cision judiciaire (article 226 AUPSRVE). La saisie-apprĂ©hension conduit le plus souvent, Ă  une saisie-vente, c’est Ă  dire Ă  une vente des biens mobiliers afin de rembourser les crĂ©anciers.

B – Le recouvrement de la crĂ©ance.

Les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce qui ont Ă©puisĂ© toutes les autres voies de recours tendant Ă  un rĂšglement amiable de leurs crĂ©anciers ou Ă  la conservation de leur droit de crĂ©ance, peuvent solliciter un recouvrement forcĂ© de leurs crĂ©ances. L’exĂ©cution forcĂ©e se concrĂ©tise par la voie de la saisie et de la vente des biens du dĂ©biteur. A dĂ©faut d’exĂ©cution volontaire, l’article article 28 de l’acte uniforme sur le recouvrement simplifiĂ© et voies d’exĂ©cution autorise tout crĂ©ancier disposant d’une crĂ©ance certaine, liquide et exigible, quelle que soit sa nature, Ă  saisir et Ă  vendre les biens de son dĂ©biteur. Les saisies sont des moyens destinĂ©s Ă  contraindre le dĂ©biteur dĂ©faillant Ă  exĂ©cuter ses obligations, elles mettent en scĂšne plusieurs acteurs : Ă  savoir les parties Ă  l’exĂ©cution, l’huissier de justice et le juge en sa qualitĂ© d’autoritĂ© de surveillance. Toutes les saisies aux fins d’exĂ©cution sont conditionnĂ©es par l’existence d’un titre exĂ©cutoire qui, en pratique est la dĂ©cision de justice revĂȘtue de la formule exĂ©cutoire.

L’acte uniforme sur les voies d’exĂ©cution, donne attribution au greffier de constater l’inaction du dĂ©biteur lorsque celui-ci n’a pas expressĂ©ment dĂ©clarĂ© contester la procĂ©dure de saisie, constat qui permet le paiement de la crĂ©ance poursuivie. Lorsque le crĂ©ancier ne dispose pas d’un titre exĂ©cutoire, il doit s’adresser au juge, pour obtenir l’autorisation de saisir les biens du dĂ©biteur dĂ©faillant pour ensuite procĂ©der Ă  leur vente. Le juge doit apprĂ©cier le bien-fondĂ© de la demande en vĂ©rifiant si celle-ci rĂ©unit les conditions exigĂ©es par l’AUPVSRE comme l’a toujours fait le juge communautaire ( ). Mais quelle que soit les acteurs intervenant dans la procĂ©dure de saisie, le rĂŽle de la justice est prĂ©Ă©minent en matiĂšre de recouvrement forcĂ© de crĂ©ances, pour lequel le dĂ©biteur ne s’exĂ©cute que sous la pression : qu’il s’agisse de saisie-attribution, de saisie-vente ou mĂȘme de vente forcĂ©e d’un bien meuble ou immeuble du dĂ©biteur, l’intervention de la justice est nĂ©cessaire.

Parmi toutes les mesures d’exĂ©cution forcĂ©e, les crĂ©anciers vendeurs de fonds de commerce peuvent recourir entre autres, Ă  la saisie-attribution des crĂ©ances pour rĂ©clamer le paiement du prix de vente du fonds de commerce (se trouvant encore en possession d’un dĂ©tenteur : l’acquĂ©reur ou le sĂ©questre) oĂč Ă  l’exĂ©cution forcĂ©e de la crĂ©ance.

1°) – La saisie attribution du prix de vente du fonds de commerce.
Tout crĂ©ancier qui ne peut ni exiger le paiement de sa crĂ©ance, ni bĂ©nĂ©ficier du privilĂšge grevant le fonds de commerce, peut recourir Ă  la procĂ©dure de saisie-attribution pour rĂ©clamer le paiement du prix non encore versĂ© qui se trouve entre les mains d’un tiers dĂ©tenteur (de l’acquĂ©reur ou du sĂ©questre). La saisie-attribution comme toute saisie est un moyen trĂšs efficace de recouvrement de crĂ©ance, organisĂ© par les articles 153 Ă  172 de l’AUPSRVE en application desquels, tout crĂ©ancier titulaire d’une crĂ©ance liquide et exigible constatĂ©e par un titre exĂ©cutoire peut saisir la crĂ©ance de son dĂ©biteur dĂ©tenue par un tiers. Le tiers dĂ©tenteur peut ĂȘtre l’acquĂ©reur du fonds de commerce, mais Ă©galement une personne entre les mains de laquelle, les sommes sont consignĂ©es tel que l’huissier ou de l’agent d’exĂ©cution, le greffe, le notaire, la banque ou l’établissement financier dĂ©signĂ© comme sĂ©questre au choix du crĂ©ancier saisissant. L’acte de saisie rend indisponibles les biens ou les sommes d’argent qui en sont l’objet. Le dĂ©biteur saisi ou le tiers dĂ©tenteur entre les mains de qui la saisie a Ă©tĂ© effectuĂ©e est rĂ©putĂ© gardien des objets saisis sous peine de sanctions pĂ©nales organisĂ©es par les lĂ©gislations nationales. Cette voie d’exĂ©cution permet de bloquer immĂ©diatement les sommes dues au dĂ©biteur poursuivi, Ă  hauteur du montant des causes de la saisie et de ses accessoires, et notamment celles pouvant figurer sur les comptes bancaires dont il est titulaire ( ). L’article 157 de l’AUPSRVE indique que le crĂ©ancier qui procĂšde Ă  la saisie par acte d’huissier ou d’agent d’exĂ©cution doit signifier la saisie au tiers et dans un dĂ©lai de huit jours, Ă  peine de nullitĂ©, la dĂ©noncer au dĂ©biteur ( ). Cet acte ( ) doit contenir l’indication que le dĂ©biteur peut soulever des contestations dans le dĂ©lai d’un mois de la dĂ©nonciation. Il doit enfin contenir la dĂ©fense faite au tiers dĂ©biteur de disposer des sommes rĂ©clamĂ©es et l’obligation de dĂ©clarer l’étendue de ses obligations envers le dĂ©biteur ainsi que les modalitĂ©s qui pourraient les affecter (article 154 de l’AUPSRVE).

Le tiers saisi doit fournir Ă  l’huissier ou Ă  l’agent d’exĂ©cution les renseignements utiles qui selon l’article 156, seront mentionnĂ©s sur l’acte de saisie. En cas de nĂ©gligence fautive ou de dĂ©claration inexacte, il pourrait ĂȘtre condamnĂ© Ă  des dommages intĂ©rĂȘts ( ). En cas de pluralitĂ© de saisies-attributions de crĂ©ances portant sur le montant d’un compte chĂšque insuffisant pour dĂ©sintĂ©resser tous les crĂ©anciers, le juge a dĂ©cidĂ© que les premiers saisissants sont seuls attributaires du montant, en application de l’article 155 alinĂ©a 2 de l’Acte uniforme susvisĂ© qui dispose en substance que « la signification ultĂ©rieure d’autres saisies ou de toute autre mesure de prĂ©lĂšvement, mĂȘme Ă©manant de crĂ©anciers privilĂ©giĂ©s, ne remettent pas en cause cette attribution
 » ( ). En outre, elle a annulĂ© la dĂ©cision d’une juridiction d’Appel qui a ordonnĂ©, en mĂ©connaissance des dispositions de l’article 144 de l’AUPSRVE, l’annulation de la saisie et la restitution des biens saisis aprĂšs la distribution du prix de vente des vĂ©hicules qui ont fait l’objet d’une saisie-vente rĂ©guliĂšre ( ). Le tiers saisi procĂšde au paiement des sommes saisies sur prĂ©sentation d’un certificat de greffe attestant qu’aucune contestation n’a Ă©tĂ© formĂ©e dans le mois suivant la dĂ©nonciation de la saisie ou sur prĂ©sentation de la dĂ©cision exĂ©cutoire de la juridiction rejetant la contestation ( ).

Le paiement peut Ă©galement avoir lieu avant l’expiration du dĂ©lai de contestation si le dĂ©biteur a dĂ©clarĂ© par Ă©crit ne pas contester la saisie (article 164 de l’AUPSRVE). Le paiement est effectuĂ© contre quittance entre les mains du crĂ©ancier saisissant ou de son mandataire justifiant d’un pouvoir spĂ©cial qui en informe immĂ©diatement son mandant. En consĂ©quence, l’attribution ne peut dĂ©passer le montant de la dette du tiers saisi envers le dĂ©biteur saisi et dans la limite des sommes versĂ©es, ce paiement Ă©teint l’obligation du dĂ©biteur et celle du tiers saisi. En cas de contestation, toute partie peut demander Ă  la juridiction compĂ©tente, sur requĂȘte, la dĂ©signation d’une sĂ©questre, Ă  qui le tiers saisi versera les sommes saisies. En cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a Ă©tĂ© jugĂ© dĂ©biteur, la contestation est portĂ©e devant la juridiction compĂ©tente (par voie d’assignation, dans le dĂ©lai d’un mois Ă  compter de la dĂ©nonciation de la saisie au dĂ©biteur) qui peut dĂ©livrer un titre exĂ©cutoire contre le tiers saisi. Le dĂ©biteur saisi qui n’aurait pas Ă©levĂ© de contestation dans le dĂ©lai prescrit peut agir en rĂ©pĂ©tition de l’indu devant la juridiction du fond compĂ©tente selon les rĂšgles applicables Ă  cette action. La dĂ©cision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

En plus de la saisie-attribution, le crĂ©ancier du vendeur de fonds de commerce a la facultĂ© d’exiger du dĂ©biteur le paiement de sa crĂ©ance.

2°) – L’exĂ©cution forcĂ©e.

L’exĂ©cution forcĂ©e de la crĂ©ance consiste pour le crĂ©ancier impayĂ© du vendeur de fonds de commerce de s’adresser Ă  la juridiction compĂ©tente pour obtenir la condamnation du dĂ©biteur au paiement de sa dette. Le lĂ©gislateur OHADA a organisĂ© des procĂ©dures qui lui permettent d’obtenir un rĂšglement rapide et imminent de ses crĂ©ances, Ă  travers la procĂ©dure de l’injonction de payer ou celle de la saisie des biens mobiliers (ou immobiliers) qui sera transformĂ©e en une vente forcĂ©e du fonds de commerce.

a) – L’injonction de payer.
Les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce qui souhaitent obtenir un paiement rapide de leurs crĂ©ances peuvent au prĂ©alable opter pour l’application des dispositions des articles 1 Ă  18 relatives Ă  la procĂ©dure d’injonction de payer. Aux termes de l’article 1er de l’AUPSRVE, « le recouvrement d’une crĂ©ance certaine, liquide et exigible peut ĂȘtre demandĂ© suivant la procĂ©dure d’injonction de payer ». L’injonction de payer est une procĂ©dure judiciaire rapide et peu onĂ©reuse qui permet Ă  un crĂ©ancier de contraindre son dĂ©biteur Ă  honorer ses engagements. La premiĂšre phase de cette procĂ©dure n’est pas soumise au principe du contradictoire, puisque le crĂ©ancier peut obtenir l’ordonnance d’injonction de payer alors que le dĂ©biteur n’est pas avisĂ© de la procĂ©dure. La procĂ©dure d’injonction de payer est adressĂ©e au moyen d’une simple requĂȘte ( ), Ă  la juridiction compĂ©tente du domicile ou du lieu oĂč demeure effectivement le dĂ©biteur ou l’un d’eux en cas de pluralitĂ© de dĂ©biteurs. La requĂȘte doit contenir Ă  peine d’irrecevabilitĂ© des indications relatives Ă  l’identitĂ©, Ă  la profession et au domicile des parties ou pour les personnes morales, leurs formes, dĂ©nomination et siĂšge social, l’indication prĂ©cise du montant de la somme rĂ©clamĂ©e avec le dĂ©compte des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments de la crĂ©ance ainsi que le fondement de celles-ci.

L’article 2 de l’AUPSRVE indique que la procĂ©dure d’injonction de payer ne peut ĂȘtre introduite lorsque la crĂ©ance a une cause contractuelle ou lorsqu’elle rĂ©sulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chĂšque dont la provision s’est rĂ©vĂ©lĂ©e inexistante ou insuffisante. La demande ainsi que les piĂšces justificatives qui l’accompagnent sont soumises Ă  l’examen du PrĂ©sident de la juridiction compĂ©tente, qui, au vu des documents produits, lorsque la demande lui paraĂźt fondĂ©e en tout ou partie, rendra une ordonnance portant injonction de payer pour la somme retenue, par laquelle il adjoindra au dĂ©biteur de s’acquitter de sa dette dans un dĂ©lai dĂ©terminĂ©. S’il rejette en tout ou en partie la requĂȘte, sa dĂ©cision est sans recours pour le crĂ©ancier, sauf Ă  celui-ci de procĂ©der selon les voies de droit commun. La dĂ©cision portant injonction de payer ainsi qu’une copie certifiĂ©e conforme de la requĂȘte doivent ĂȘtre notifiĂ©es au dĂ©biteur par acte extrajudiciaire dans un dĂ©lai maximal de trois mois Ă  compter de sa date sous peine de caducitĂ©. A la rĂ©ception de l’ordonnance, le dĂ©biteur peut contester l’ordonnance d’injonction, par voie d’opposition, auprĂšs du tribunal qui l’a rendue ( ).

Mais comme cette mesure urgente n’aboutit pas souvent Ă  un rĂšglement dĂ©finitif de la crĂ©ance, on constate que les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce tentent de recourir Ă  d’autres procĂ©dures lĂ©gales de recouvrement de leur crĂ©ance, notamment Ă  la vente sur saisie du fonds de commerce.

b) – La vente sur saisie du fonds de commerce.
Les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce peuvent dĂ©cider de la vente judiciaire du fonds de commerce, en adressant une demande au tribunal de commerce dans le ressort duquel s’exploite ledit fonds. Cette vente judiciaire du fonds intervient sous forme de conversion de saisie-exĂ©cution d’élĂ©ments isolĂ©s du fonds de commerce dans la mesure oĂč, le fonds de commerce est un bien insaisissable (en raison de son utilitĂ© pour le dĂ©biteur). Les crĂ©anciers qui ont rĂ©guliĂšrement pratiquĂ© la saisie-vente sur des Ă©lĂ©ments corporels du fonds de commerce appartenant Ă  leur dĂ©biteur, peuvent demander Ă  la juridiction compĂ©tente, l’autorisation de procĂ©der Ă  la vente forcĂ©e du fonds. Cette opĂ©ration qui rĂ©sulte de la procĂ©dure organisĂ©e par les articles 91 et suivants de l’Acte uniforme ( ), a vocation Ă  s’appliquer Ă  tous les biens meubles corporels du dĂ©biteur, peu importe qu’ils soient en sa possession ou dĂ©tenus par un tiers ( ). A l’issue de la procĂ©dure qui dĂ©bute par un commandement de payer, le dĂ©biteur en cas de non-paiement procĂšde lui-mĂȘme Ă  la vente amiable de ses biens saisis. Il doit notifier sa dĂ©cision aux crĂ©anciers qui disposent d’un dĂ©lai de quinze jours pour prendre le parti d’accepter la vente amiable, de la refuser ou de se porter acquĂ©reurs. En l’absence de rĂ©ponse, ils sont rĂ©putĂ©s avoir acceptĂ©. A l’expiration du dĂ©lai d’un mois prĂ©vu Ă  cet effet, le crĂ©ancier est autorisĂ© Ă  procĂ©der Ă  leur vente forcĂ©e. Tout crĂ©ancier rĂ©unissant les conditions prĂ©vues par l’article 91 peut se joindre Ă  une saisie dĂ©jĂ  pratiquĂ©e sur les biens du dĂ©biteur, par le moyen d’une opposition, en procĂ©dant, au besoin, Ă  une saisie complĂ©mentaire. Aucune opposition ne peut ĂȘtre reçue aprĂšs la vĂ©rification des biens (article 130). La vente sur saisie est une procĂ©dure offerte Ă  tous les crĂ©anciers, y compris au TrĂ©sor Public ( ), tant que les objets saisis ne sont pas vendus qui leur permet de demander au tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploitĂ©, la vente du fonds du dĂ©biteur saisi avec le matĂ©riel et les marchandises qui en dĂ©pendent. Cette forme de vente forcĂ©e du fonds sur saisie trĂšs usitĂ©e en droit français ( ) est rarement pratiquĂ©e en droit OHADA. Cette procĂ©dure qui a pour effet d’immobiliser les biens en vue de leur vente, aura pour avantage de faciliter le paiement du crĂ©ancier sur le prix de la vente des biens saisis et du fonds de commerce.

Aussi, le lĂ©gislateur OHADA a aussi amĂ©nagĂ© une procĂ©dure particuliĂšre applicable aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce disposant d’une sĂ»retĂ© sur cet Ă©lĂ©ment important du patrimoine du dĂ©biteur leur permettant de rĂ©aliser leur nantissement.

2) – La rĂ©alisation du nantissement sur fonds de commerce.

Le nantissement du fonds de commerce est l’acte de disposition par lequel le propriĂ©taire d’un fonds de commerce affecte celui-ci Ă  titre de garantie au paiement d’une dette. Il est constituĂ© au profit de tout crĂ©ancier par le propriĂ©taire du fonds de commerce qui reste en possession de son bien, malgrĂ© la constitution de cette sĂ»retĂ© ( ). A l’instar de toute sĂ»retĂ© rĂ©elle, le nantissement du fonds de commerce est l’accessoire d’une crĂ©ance, qu’elle soit liĂ©e ou non Ă  l’exploitation du fonds de commerce (la crĂ©ance peut ĂȘtre prĂ©sente ou future, Ă  condition qu’elle soit dĂ©terminable). D’ailleurs, tout comme le nantissement judiciaire, le nantissement conventionnel ( ) doit ĂȘtre constatĂ© sous peine de nullitĂ©, dans un Ă©crit comportant certaines mentions obligatoires dĂ©crites par l’article 163 de l’AUS ( ). Il n’est opposable aux tiers que s’il est inscrit au Registre du Commerce et de CrĂ©dit Mobilier dans les conditions prĂ©vues par les articles 51 Ă  56 de l’AUS.

Ainsi, le juge OHADA exige toujours des crĂ©anciers en plus de la justification d’un nantissement rĂ©gulier Ă©tabli dans le respect des formalitĂ©s prescrites par les articles 55 Ă  56 et 163 de l’AUS, un Ă©crit et une inscription de leur sĂ»retĂ©, au titre des conditions essentielles de validitĂ© entre les parties et, d’opposabilitĂ© aux tiers ( ). Il s’oppose Ă  la rĂ©alisation du nantissement, lorsque le crĂ©ancier n’arrive pas Ă  apporter la preuve d’une crĂ©ance, certaine, liquide et exigible en application de l’article 1er de l’AUPSRVE ou Ă  dĂ©montrer que le fonds de commerce en cause a fait l’objet d’un nantissement Ă  son profit ou que le dĂ©biteur est propriĂ©taire du fonds nantis ( ). Pour la rĂ©alisation de leur crĂ©ance, tous les crĂ©anciers (qu’ils soient inscrits ou non) ont les mĂȘmes droits, la distinction n’intervient seulement qu’au moment de la distribution du prix de vente, pour laquelle, les crĂ©anciers inscrits disposent d’une prioritĂ© de paiement sur les crĂ©anciers chirographaires. Ces derniers ne seront payĂ©s que proportionnellement au montant de leurs crĂ©ances, au marc le franc, aprĂšs avoir dĂ©sintĂ©ressĂ© les premiers. En plus, le crĂ©ancier nanti bĂ©nĂ©ficie comme les autres crĂ©anciers inscrits, d’un droit de suite, d’un droit de prĂ©fĂ©rence et d’un droit de rĂ©alisation qu’il exerce conformĂ©ment aux dispositions de l’AUS.

DĂšs lors qu’il est rĂ©guliĂšrement constituĂ©, le nantissement confĂšre Ă  son titulaire des privilĂšges et un droit de rĂ©alisation.

a) – Les privilĂšges du crĂ©ancier nanti.
A l’instar de tous les autres crĂ©anciers inscrits, les crĂ©anciers nantis dispose d’un droit de suite et d’un droit de prĂ©fĂ©rence qu’ils exercent conformĂ©ment aux dispositions des articles 97, alinĂ©a 2 et 226 de l’AUS. Le droit de suite va permettre au crĂ©ancier nanti de faire saisir le fonds de commerce tout entier et non de certains de ses Ă©lĂ©ments ( ), entre les mains de quelque personne que ce soit, y compris un acquĂ©reur de bonne foi. Le crĂ©ancier nanti va primer les bĂ©nĂ©ficiaires inscrits aprĂšs la cession, en garantie des dettes de l’acquĂ©reur. Il importe aussi de souligner que « le droit de suite pourra ĂȘtre exercĂ© par le crĂ©ancier nanti, sans que ce dernier ait besoin de faire opposition au paiement du prix de cession de fonds ou mĂȘme de dĂ©clarer sa crĂ©ance en cas de redressement judiciaire de l’acquĂ©reur » ( ). Le droit de prĂ©fĂ©rence du crĂ©ancier nanti s’exerce conformĂ©ment Ă  l’ordre de paiement organisĂ© par l’article 226 de l’AUS. Dans l’hypothĂšse d’une pluralitĂ© de crĂ©anciers nantis ou bĂ©nĂ©ficiant du privilĂšge du vendeur d’immeuble, celui qui dispose de l’inscription la plus ancienne sera dĂ©sintĂ©ressĂ© en prioritĂ© Ă  hauteur de l’intĂ©gralitĂ© de sa crĂ©ance. Contrairement au droit français, le droit de prĂ©fĂ©rence va s’exercer par dĂ©duction de l’article 150 de l’AUDCG ( ) sur le prix de de revente de maniĂšre indistincte.
En plus de ces privilĂšges, le crĂ©ancier nanti dispose d’un droit de rĂ©alisation de sa crĂ©ance.

b) – Le droit de rĂ©alisation de la crĂ©ance nantie.
Pour la rĂ©alisation de sa crĂ©ance conformĂ©ment aux dispositions de l’article 104 de l’AUS, le crĂ©ancier nanti ne peut demander l’attribution judiciaire du fonds de commerce en raison de sa nature particuliĂšre, mais peut seulement recourir Ă  la vente forcĂ©e du fonds de commerce en application des dispositions de l’AUPSRVE ( ). Aux termes l’article 120 de l’AUPSRVE, la vente forcĂ©e est effectuĂ©e aux enchĂšres publiques, par un auxiliaire de justice habilitĂ© par la loi nationale de chaque État partie, soit au lieu oĂč se trouvent les objets saisis, etc. C’est ainsi qu’un juge national a cautionnĂ© une vente forcĂ©e aux enchĂšres publiques pratiquĂ©e Ă  la suite de la saisie-vente sur les matĂ©riels et outillages d’une station essence comme constituant une cession de fonds de commerce ( ). La procĂ©dure de la vente forcĂ©e est soumise Ă  la publicitĂ© qui est effectuĂ©e par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis. L’adjudication est faite au plus offrant aprĂšs trois criĂ©es. Le prix est payable comptant, faute de quoi, l’objet est revendu Ă  la folle enchĂšre de l’adjudicataire. La vente est arrĂȘtĂ©e lorsque le prix des biens vendus assure le paiement du montant des causes de la saisie et des oppositions, en principal, intĂ©rĂȘts et frais. Le crĂ©ancier sera alors dĂ©sintĂ©ressĂ© de sa crĂ©ance sur le prix de la vente forcĂ©e du fonds de commerce. NĂ©anmoins, la distribution du prix de vente obĂ©it Ă  la procĂ©dure prĂ©vue par l’AUPSRVE qui organise la rĂ©partition selon qu’il y ait un ou plusieurs crĂ©anciers ( ). Le rĂšglement des crĂ©anciers doit ĂȘtre effectuĂ© dans le dĂ©lai de quinze jours Ă  compter de la rĂ©ception de l’accord.
Dans le mĂȘme dĂ©lai, le solde est remis au dĂ©biteur. Lorsque les crĂ©anciers n’ont pas pu s’entendre sur une rĂ©partition consensuelle dans le dĂ©lai d’un mois qui suit le versement du prix de vente par l’adjudicataire, le crĂ©ancier le plus diligent peut provoquer une rĂ©partition judiciaire du prix, en saisissant le juge compĂ©tent. C’est donc Ă  bon droit qu’une action initiĂ©e dans ce sens a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e recevable pour avoir Ă©tĂ© formĂ©e dans les conditions fixĂ©es par l’article 325 de l’AUPSRVE ( ). La dĂ©cision de rĂ©partition est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa signification et selon les conditions prĂ©vues Ă  l’article 333.
 
Conclusion :

Pour atteindre l’objectif de la garantie de la sĂ©curitĂ© juridique et judiciaire accordĂ©e aux investisseurs dans l’espace OHADA, le lĂ©gislateur s’est efforcĂ© d’élaborer une rĂ©glementation de la vente du fonds de commerce en imposant Ă  l’acquĂ©reur dans l’AUDCG, l’obligation de publier la vente du fonds de commerce, pour leur permettre d’exercer les prĂ©rogatives d’opposition et de surenchĂšre. Cette rĂ©glementation qui constitue le fondement juridique de la protection des crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce mĂȘme renforcĂ©e par des garanties instituĂ©es dans l’Acte Uniforme portant SĂ»retĂ© (AUS) facilitant la constitution des sĂ»retĂ©s sur le fonds de commerce est insuffisante. Certes, pour obtenir plus facilement du crĂ©dit, le dĂ©biteur propriĂ©taire du fonds de commerce, va consentir un nantissement sur celui-ci, lui permettant de poursuivre l’exploitation du fonds de commerce nanti, malgrĂ© la constitution de la garantie. En dĂ©pit de cette volontĂ© du lĂ©gislateur communautaire de garantir la sĂ©curitĂ© juridique et judicaire aux investisseurs nĂ©cessaires au dĂ©veloppement du crĂ©dit dans l’espace OHADA, les crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce ne bĂ©nĂ©ficient pas de la plĂ©nitude d’une protection somme toute limitĂ©e, tant du point de vue lĂ©gale que judicaire.

Certes d’un point de vue formel, le lĂ©gislateur OHADA a Ă©laborĂ© des rĂšgles qui consacrent l’institution des prĂ©rogatives qui permettent aux crĂ©anciers de se prĂ©munir contre la mauvaise foi du vendeur de fonds de commerce, mais ces prescriptions lĂ©gales n’assurent pas une entiĂšre sĂ©curitĂ© juridique aux crĂ©anciers du vendeur de fonds de commerce qui sont souvent exposĂ©s Ă  des risques d’insĂ©curitĂ© auxquels les exposent leur dĂ©biteur qui n’hĂ©sitent pas Ă  recourir la fraude de leurs droits. Pour combler une telle lacune juridique, le lĂ©gislateur renvoie aux actions de droit commun dites actions de protection du patrimoine (actions paulienne, en dĂ©claration de simulation, dĂ©chĂ©ance de terme, action directe, etc.). Mais ces actions qui relĂšvent du droit commun des obligations n’assurent une garantie efficace que lorsqu’elles sont complĂ©tĂ©es par des procĂ©dures de droit commun des voies d’exĂ©cution –AUPRSVE) qui permettent aux crĂ©anciers de se prĂ©munir contre la mauvaise foi du vendeur de fonds de commerce. Or, le recours aux procĂ©dures d’exĂ©cution, Ă  l’exception de la vente forcĂ©e du fonds de commerce, ne tend qu’à la conservation des droits des crĂ©anciers dans le patrimoine du dĂ©biteur et non Ă  l’exĂ©cution forcĂ©e de leur crĂ©ance.

D’ailleurs, les voies d’exĂ©cution ne comportent pas de procĂ©dure qui autoriserait directement la saisie d’un fonds de commerce, les crĂ©anciers ne peuvent que procĂ©der Ă  saisie de certains Ă©lĂ©ments du fonds aux fins de conversion en vente forcĂ©e du fonds de commerce. Quoi qu’il en soit, l’apport limitĂ© du droit primaire OHADA en matiĂšre de sĂ©curisation juridique des crĂ©anciers du vendeur a un impact certain sur le droit dĂ©rivĂ© jurisprudentiel. En effet, la finalitĂ© du droit OHADA est de parvenir Ă  l’institution d’un systĂšme juridique constituĂ© de normes directement applicables et obligatoires dont l’unification est assurĂ©e par la CCJA. Mais comment garantir la sĂ©curitĂ© juridique et judiciaire en prĂ©sence d’une rĂ©glementation inachevĂ©e ? La Cour n’assumera complĂštement sa mission de garante de la sĂ©curitĂ© judiciaire des justiciables dans l’espace OHADA que lorsque le lĂ©gislateur opĂšre une refonte des textes en prenant en compte dans sa rĂ©glementation tous les abus susceptibles d’affecter les droits de crĂ©ance.

Amina BALLA KALTO
Assistante Ă  la FSEJ/UAM

Revue de l’ERSUMA :: Droit des affaires – Pratique Professionnelle, N° 6 – Janvier 2016, Doctrine.

 

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