Amina BALLA KALTO
Assistante à la FSEJ/UAM
Résumé :
La protection des créanciers du vendeur de fonds de commerce s’inscrit dans un contexte global de la garantie de sécurité juridique et judiciaire que le législateur tente d’offrir aux investisseurs dans l’espace OHADA. Il vise à réaliser cet objectif par l’élaboration d’une règlementation appropriée en instituant des mesures de publicité ou d’exécution forcée de leurs droits de créance que le juge OHADA (gardien de la légalité et garant de la protection des droits individuels des justiciables) tente d’appliquer de manière effective.
Mots clés :
protection des droits des créanciers du vendeur de fonds de commerce, sécurité juridique et judiciaire, publicité, Journal d’annonces légales, opposition au paiement du prix par le vendeur, droit de surenchère, créancier chirographaire, créancier privilégié, créancier nanti, déchéance du terme, action paulienne, mesures d’urgence, mesures d’exécution forcée, saisie-conservatoire, saisie-attribution, saisie-appréhension, saisie-vente, etc.
Abstract :
Business vendor’s creditor’s protection is in line with the general pattern of legal and judicial security guarantee that the legislator tries to offer to the investors in OHADA’s legislation space. To achieve its aim, the legislator draws up investors ’protection centered on regulation by taking steps consisting of advertisement measures or forced execution of investors’claims and entrusts the guardian of legality and guarantor of justiciables’ individual rights protection, OHADA’s judge with the mission to check if these protective norms are efficient.
Keywords :
business, vendor, protection, common OHADA legislation, measures, legal and judicial security, advertising, Magazine of legal announcements, opposition to the payment of the price by the seller, right of one-upmanship, creditor unsecured, creditor privileged, wealthy creditor, Paulian action, emergency measures, implementing forced Conservatory attachment, seizure-award, seizure-apprehension, seizure and sale, etc.
SOMMAIRE
I – Les prérogatives accordées aux créanciers du vendeur de fonds de commerce.
A- Dans une vente régulièrement publiée.
B – Dans une vente non publiée.
II – Les garanties de paiement instituées au profit des créanciers du vendeur de fonds de commerce.
A – L’adoption des mesures conservatoires.
B) – Le recouvrement de la créance.
Introduction
Pour atteindre l’objectif de sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, le législateur communautaire a élaboré une réglementation de la vente du fonds de commerce qui produit un effet direct dans les législations des Etats-Parties. L’avantage d’une telle réglementation réside surtout dans la nécessité de protéger les créanciers qui ont accepté de faire crédit au vendeur sur la base du nantissement du fonds de commerce (ou de ses éléments cessibles) ou même ceux qui ont accepté de lui faire crédit sans garantie, c’est-à-dire, ceux qui n’ont qu’un droit de gage général et qui risquent de voir échapper cet élément important du patrimoine de leur débiteur. Comment le législateur communautaire organise-t-il cette protection ? A l’instar du législateur français, il impose à l’acquéreur l’obligation de publier la vente pour leur permettre d’exercer leur droit d’opposition au paiement du prix entre les mains du vendeur et leur droit de surenchère contre toute vente portant sur un prix dérisoire afin de concourir au paiement du prix dans la mesure où, tous ont droit au paiement de leur créance à l’échéance ( ).
A cette obligation préalable d’information des créanciers du vendeur de fonds de commerce, s’ajoutent d’autres mentions obligatoires prévues à l’article 150 de l’AUDCG aux fins de l’accomplissement des formalités d’immatriculation et de publicité. Avant toute formalité de publicité, l’acte de vente passé sous une forme écrite ( ), doit conformément à l’article 152 de l’AUDCG, sous peine de la nullité, être enregistré ( ) à la diligence de l’acheteur ou du vendeur au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM). Puis, chacune des parties doit procéder en ce qui la concerne, à l’insertion dans le RCCM recueillant son immatriculation de toutes les modifications intervenues par le changement de la propriété ( ). Ce n’est qu’après l’accomplissement de l’enregistrement, que l’article 153 de l’AUDCG fait obligation à l’acquéreur de publier la vente.
Quel est alors l’intérêt de cette publicité qu’impose le législateur OHADA à l’acquéreur du fonds de commerce ? Si la publicité de la vente du fonds de commerce permet aux créanciers du vendeur de fonds de commerce, d’exercer les prérogatives d’opposition et de surenchère, qu’en est-il alors, lorsqu’ils n’ont pas exercé ces prérogatives : disposent-ils encore d’autres moyens pour faire valoir leurs droits ? Si dans cette hypothèse, ils n’ont ni le droit de critiquer le paiement fait par l’acheteur au vendeur, ni celui d’invoquer le bénéfice de la surenchère, ils peuvent néanmoins recourir à des actions de droit commun nécessaires au recouvrement de leur créance en application des dispositions de l’AUPSRVE (Acte Uniforme Portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution). A cette fin, le législateur a aménagé des procédures tendant à assurer la sauvegarde de leurs droits et intérêts, d’abord en instituant des garanties à leur profit et ensuite en leur reconnaissant le droit de recourir au recouvrement forcé de leurs créances. Si tous les créanciers connus (du fait de l’inscription de leur créance sur le fonds de commerce), qu’ils soient nantis ( ) ou privilégiés ( ), peuvent facilement recourir aux dispositions des Actes Uniformes qui leur accordent certains privilèges, les créanciers non-inscrits (à l’instar des créanciers chirographaires), doivent eux s’adresser au juge des référés pour obtenir un titre exécutoire leur permettant d’agir.
Toutes les mesures protectrices de leurs droits peuvent être décelées dans divers Actes Uniformes (AUDCG, AUPSRVE, AUS « Acte Uniforme portant Droit des Sûretés », etc.) et dans les dispositions du Code civil, mais aussi, en raison de son caractère supranational ( ), le droit OHADA renvoie-il aux législations nationales pour garantir de manière complémentaire une plus grande sécurité juridique aux créanciers du vendeur de fonds de commerce ( ). Dans le prolongement de la protection légale, le juge OHADA ( ) intervient aussi pour assurer la sauvegarde des droits des créanciers du vendeur de fonds de commerce à travers l’application des normes communautaires protectrices, dans la mesure où, selon le Professeur Barthélemy MERCADAL, le droit OHADA « reçoit des applications qui révèlent, en effet, que ses juges sont aptes à le saisir et à le faire vivre » ( ). Le rôle de l’application des normes légales est dévolu aux juridictions nationales qui connaissent du contentieux en première instance et en appel et à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (à ses articles 13 et 14 du Traité) qui statue en cassation ( ) afin de veiller à l’interprétation et l’application communes du Traité. Pour concilier sa mission de gardienne des lois et de garant des droits individuels, la Cour s’évertue à assurer la protection des créanciers du vendeur de fonds de commerce, tout en veillant à concilier l’équilibre des intérêts contradictoires en des parties présence ( ).
Il ressort de tout ce qui précède que le législateur OHADA a aménagé des modalités de protection des créanciers du vendeur de fonds de commerce à travers d’une part, les prérogatives tendant à préserver leurs droits et intérêts (I) et d’autre part, les garanties de paiement qu’il institue en leur faveur pour le recouvrement de leur créance (II).
I – Les prérogatives accordées aux créanciers du vendeur de fonds de commerce.
En organisant la procédure de publicité destinée à informer les tiers et plus particulièrement les créanciers du vendeur (notamment ceux qui sont inscrits sur fonds de commerce) de la cession du fonds de commerce, le législateur OHADA entend assurer la protection de leurs droits et la sauvegarde de leurs intérêts. C’est une mesure de précaution instituée à leur profit, qu’ils soient d’ailleurs créanciers chirographaires ou créanciers privilégiés, ils sont indirectement concernés par cette vente et ont intérêt à la surveiller pour qu’elle n’intervienne en fraude de leurs droits. Si leurs droits sont sauvegardés par la formalité de la publicité, qu’en est-il alors de la vente non publiée ou de celle qui est intervenue en fraude de leurs droits ? Le législateur OHADA étant resté muet sur la question, il importe de combler le vide juridique en recourant à d’autres dispositions légales qui concourent à la sauvegarde des droits et intérêts des créanciers du vendeur de fonds de commerce.
Il convient d’examiner les prérogatives que la loi accorde aux créanciers du vendeur de fonds de commerce dans une vente régulièrement publiée et dans celle qui ne l’est pas.
A- Dans une vente régulièrement publiée.
Pour protéger les créanciers du vendeur de fonds de commerce, le législateur OHADA soumet à publicité toute vente de fonds de commerce, y compris celle intervenue sous forme d’apport d’un fonds de commerce à une société ( ). A cet effet, l’article 153 de l’AUDCG impose à l’acheteur, l’obligation de publier la vente, sous forme d’avis, dans un journal habilité à publier des annonces légales et paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au RCCM. L’Acte uniforme ne donnant pas de définition, se contente seulement d’indiquer que cette insertion doit être faite dans un Journal d’Annonces Légales ( ). L’avantage de la publicité est de porter la vente à la connaissance du public pour permettre aux créanciers du vendeur de fonds de commerce de faire opposition au paiement du prix ou d’exercer leur droit de surenchère. La publicité constitue une condition d’opposabilité aux tiers du paiement du prix de la vente du fonds de commerce et non de la vente elle-même.
Avertis de la vente par le biais de la publicité ( ), les créanciers du vendeur disposent de deux principaux moyens de protection que sont l’opposition et la surenchère.
1 – Le droit d’opposition des créanciers.
L’opposition est une prérogative reconnue à tous les créanciers du vendeur de fonds de commerce, titulaires d’une créance civile ou commerciale, peu importe qu’elle soit exigible ou conditionnelle, pourvu qu’elle soit certaine. Cette prérogative leur permet d’interdire à l’acquéreur de payer le prix directement entre les mains du vendeur. Informés de cette vente, ils ne peuvent plus s’opposer au paiement du prix, dès lors que le délai légal de la publicité est expiré. Cette mesure est une condition préalable au déclenchement de la procédure de surenchère, dans la mesure où, tout créancier chirographaire qui n’a pas fait opposition dans le délai requis perd les droits de contester le paiement du prix au vendeur.
Pour que l’opposition puisse produire des effets, le créancier du vendeur de fonds de commerce doit respecter les conditions nécessaires à l’exercice de cette prérogative.
a) – Les conditions de l’opposition.
Pour faciliter aux créanciers du vendeur de fonds de commerce l’exercice de cette prérogative, le législateur OHADA impose certaines conditions préalables à l’acquéreur du fonds de commerce. Après avoir effectué les formalités de publicité destinée à informer les créanciers, l’article 157 de l’AUDCG fait obligation à l’acheteur de payer le prix, aux jours et lieu fixés dans l’acte de vente, entre les mains du notaire ou de tout établissement bancaire désigné en qualité de séquestre d’un commun accord entre les parties. Le notaire ou l’établissement bancaire devra conserver les fonds pendant le délai de 30 jours ( ).
Le créancier doit former opposition au paiement du prix de vente dans ce délai, à compter de la publication de la vente dans un Journal d’Annonces Légales. L’acte d’opposition doit à peine de nullité, énoncer outre les mentions d’identification du créancier opposant, le montant et les causes de la créance et contenir élection de domicile dans le ressort de la juridiction où est tenu le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM). C’est à cette condition d’accomplissement des formalités et sous réserve de l’apport de la preuve de l’existence de la créance qu’une juridiction nationale a, conformément aux dispositions des articles 128 et 129 de l’A.U.D.C.G. (ancienne version) reconnu le droit à l’opposition à un créancier du vendeur de fonds de commerce ( ). L’article 159 de l’AUDCG impose au créancier opposant sous peine de nullité, l’obligation de formuler l’opposition par acte extrajudiciaire ( ) signifiée à l’acquéreur et de notifier au notaire ou à l’établissement bancaire désigné en qualité de séquestre et au greffe de la juridiction ou à l’organe compétent dans l’État Partie qui tient le RCCM sur lequel est inscrit le vendeur, à charge pour le greffier ou l’organe compétent dans l’Etat Partie de procéder à l’inscription de cette opposition sur le RCCM.
L’opposition régulièrement effectuée, est susceptible de produire des effets juridiques.
b) – Les effets de l’opposition.
L’article 160 de l’AUDCG déclare que l’opposition régulièrement formée produit un effet conservatoire. Elle rend le prix de vente indisponible, qui reste bloqué entre les mains du séquestre, jusqu’à l’expiration du délai des oppositions ou jusqu’au règlement s’il y a des oppositions. L’opposition a également pour effet d’empêcher le vendeur de consentir une réduction de prix et ou de modifier le montant du prix pour permettre au créancier opposant de surenchérir : le vendeur ne peut plus, dès lors qu’il y a opposition, disposer de sa créance sur l’acheteur. Elle a aussi pour effet de fixer la créance à l’égard des créanciers, le créancier opposant doit, sous peine de forclusion, saisir la juridiction compétente pour constater la créance et en réclamer le montant dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’opposition ( ). L’opposition n’engendre au profit des créanciers ni un transfert du prix ni un privilège mais empêche simplement le paiement du prix. Si elle est justifiée, l’acheteur est alors tenu de verser le prix entre les mains des créanciers opposants. Considérée comme une mesure conservatoire et non un acte de saisie, l’opposition place tous les créanciers sur un même pied d’égalité en permettant à d’autres de se joindre à la procédure tant que le délai requis n’est pas expiré. Par conséquent, l’opposant même inscrit sera en concours avec d’autres créanciers opposants qui peuvent se joindre à la procédure (article 130 de l’AUPSRVE).
L’opposition régulière ouvre aux créanciers le droit de surenchérir du sixième du prix et de se faire payer sur le supplément résultant de la surenchère. Tout paiement effectué par l’acheteur au mépris des oppositions ou sans avoir publié la vente, ou sans avoir attendu l’expiration du délai donné aux créanciers du vendeur pour faire opposition, est inopposable aux opposants, à hauteur du montant des oppositions. L’article 162 de l’AUDCG rend nulle, toute opposition qui, dans le mois de sa notification, n’est pas levée amiablement ou ne donne pas lieu à la saisine du juge. Toute personne intéressée peut saisir le juge statuant à bref délai qui constate cette nullité et ordonne la mainlevée de l’opposition, sans préjudice de l’action en dommages-intérêts pour opposition abusive.
L’opposition faite à la légère, c’est-à-dire ne se fondant ni sur un titre ni sur une cause réelle, serait nulle en la forme faute d’avoir respecté les exigences légales, le vendeur peut demander et obtenir de la juridiction compétente statuant à bref délai, la mainlevée de l’opposition et le versement des fonds entre ses mains, en contrepartie d’un cautionnement, ou d’une garantie équivalente au montant de la créance objet de l’opposition. Le créancier opposant peut décider d’une mainlevée amiable qu’il notifie au vendeur dans les formes identiques de l’opposition. Le prix de vente du fonds sera ainsi réparti entre les créanciers par le séquestre selon le mode de répartition déterminé dans l’acte d’opposition ou à défaut de répartition amiable, par une procédure simplifiée de distribution par le juge compétent saisi. Le prix ne sera réparti qu’après règlement des créanciers privilégiés, entre tous les créanciers, opposants ou non, à proportion de leur créance. La répartition pourra être retardée si l’un des créanciers inscrits ou opposants du vendeur prend l’initiative d’une surenchère, puisque le prix définitif à répartir ne pourra alors être connu qu’à l’issue de cette procédure.
Après l’opposition, les créanciers sont autorisés à exercer leur droit de surenchère.
2 – Le droit de surenchère.
L’article 1583 du code civil subordonne la validité de la vente au transfert de la propriété du fonds et au versement d’un « prix réel, sérieux et sincère ». La vente portant sur le prix dérisoire ou fictif qu’évoque l’article 1591 du Code civil est sanctionnée par l’article 158 de l’AUDCG qui déclare « nulle et de nul effet toute contre-lettre ou convention ayant pour objet ou pour effet de dissimuler tout ou partie du prix de cession du fonds de commerce »( ). Complétant l’article 177 de l’Acte Uniforme portant Suretés (AUS), l’article 163 de l’AUDCG autorise les créanciers inscrits à exercer un droit de surenchère au même titre que les créanciers qui ont régulièrement fait opposition. La surenchère est une procédure destinée à protéger les créanciers du vendeur contre toute vente du fonds faite à un prix dérisoire ou à un prix dissimulé. Elle doit être effectuée dans le délai d’un mois qui suit la publication de la vente et n’est admise que si le prix proposé par l’acquéreur est insuffisant pour désintéresser les créanciers inscrits ou opposants. Toutefois, qu’ils soient nantis ou opposants, les créanciers inscrits bénéficient du même droit de surenchère qui s’exerce dans le même délai d’un mois à compter ou après adjudication ( ).
Tout comme en matière d’opposition, la surenchère est soumise à conditions d’exercice et produit des effets.
a) – Les conditions de la surenchère.
L’article 162 fixe les conditions de surenchère qui prévoit qu’elle doit être introduite par assignation au greffe de la juridiction compétente. La surenchère permet aux créanciers du cédant non satisfaits du prix d’acquisition proposé, d’exiger que le fonds soit vendu aux enchères publiques à un prix supérieur d’un sixième du prix des éléments incorporels du fonds tel qu’il est porté dans l’acte de cession initiale, à l’exception du matériel et des marchandises. Sont ainsi admis à surenchérir les créanciers privilégiés et nantis ainsi que ceux qui ont fait l’opposition dans le délai légal. Aux termes de l’article 163, alinéa 3 de l’AUDCG, le créancier surenchérisseur doit consigner dans le même délai d’un mois, au greffe de la juridiction compétente, le montant du prix augmenté du sixième. Il s’engage, dans le cas où il n’y aurait pas d’offre supérieure, à se porter acquéreur du fonds pour un prix égal au prix initialement convenu avec l’acquéreur majoré du sixième.
Le tribunal saisi de l’assignation de surenchère examine si la notification satisfait aux conditions de fond et de forme prescrites par la loi avant de valider la surenchère et d’ordonner la vente publique du fonds de commerce. Dans son jugement, il fixe la mise à prix, détermine les conditions principales de la vente et commet un officier ministériel pour y procéder et pour dresser un cahier des charges ( ). Dans les 15 jours francs de la surenchère, le surenchérisseur publie à ses frais avancés, dans un journal habilité à publier des annonces légales et paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au RCCM, un avis comportant l’indication du lieu et de la date de la vente en justice ainsi que des modalités de consultation du cahier des charges. Passé ce délai, la surenchère est nulle de plein droit et les frais en sont définitivement supportés par le seul surenchérisseur ( ). Aucune nouvelle opposition ne peut être formée pendant la procédure de surenchère.
Lorsque la surenchère est régulièrement formée, elle produit des effets juridiques.
b) – Les effets de la surenchère.
La surenchère a pour effet de provoquer la vente aux enchères publiques du fonds de commerce qui se fait à la barre de la juridiction compétente, sous la forme des criées. Le fonds mis aux enchères est adjugé au plus fort enchérisseur. L’adjudication est constatée par un procès-verbal dressé par l’officier ministériel chargé de la vente. L’adjudication consécutive à la surenchère du sixième, entraîne la résolution de la vente initiale. Lorsqu’une surenchère aura été notifiée, chacun des créanciers inscrits ou opposants aura le droit de se faire subroger à la poursuite, si le surenchérisseur ne donne pas suite à l’action dans le mois de la surenchère. Si aucun enchérisseur ne se porte acquéreur au prix proposé, c’est le créancier surenchérisseur du sixième qui est déclaré acquéreur ; il doit donc payer le prix nouveau, le précédent acquéreur est alors déchargé. Aussi, afin d’éviter la surenchère, le vendeur peut, pour désintéresser les créanciers opposants, faire des offres réelles de paiement qui doivent être consignées et validées par un jugement et à défaut, le tribunal peut décider la mise aux enchères publiques du fonds. Aussi, en garantie du paiement de leurs créances, l’acquéreur du fonds de commerce peut initier la procédure de purge permettant de désintéresser tous les créanciers inscrits en réglant directement le prix, en partie ou en totalité, entre leurs mains, en contrepartie de la radiation de leur inscription (article 64 de l’AUS). La répartition du prix de vente du fonds de commerce entre les créanciers surenchérisseurs se fait selon qu’il y ait un ou plusieurs créanciers conformément aux dispositions de l’AUPSRVE.
Si les créanciers du vendeur de fonds de commerce peuvent exercer les prérogatives légales qui leur sont reconnues dans le cas d’une vente régulièrement publiée, qu’en est-il alors de la vente non publiée ?
B – Dans une vente non publiée.
L’acquéreur qui n’effectue pas la formalité de publicité de la vente ou qui procède à une publicité irrégulière s’expose en application de l’article 1242 du code civil à payer une seconde fois le prix entre les mains des créanciers du vendeur. Pour leur garantir la sécurité juridique, le législateur OHADA a institué au profit des créanciers du vendeur du fonds de commerce, des mesures spéciales de protection portant sur la déchéance du terme et l’exercice de l’action paulienne. Ces mesures permettent à un créancier, victime d’une fraude portant sur le fonds de commerce de solliciter du juge le paiement anticipé de sa créance par la déchéance du terme ou l’exercice de l’action paulienne. Il peut également recourir au privilège de l’action pénale pour délit d’organisation volontaire d’insolvabilité en application des législations nationales ( ).
1°) – La déchéance du terme.
La déchéance du terme désigne la perte pour le bénéficiaire d’un contrat à échéance, de la faculté de payer sa dette selon l’échéancier prévu. La déchéance du terme qui rend la dette immédiatement exigible, peut être demandée sous certaines conditions par les créanciers chirographaires et ceux qui sont inscrits sur le fonds de commerce. La déchéance du terme qui résulte de l’insolvabilité du débiteur n’est pas encourue de plein droit, mais doit être demandée en justice. Ainsi, en cas de vente ou de réalisation du fonds, l’article 174 de l’AUS autorise les créanciers chirographaires à demander en justice la déchéance du terme de leurs créances pour concourir à la distribution du prix. Aussi, le législateur assure une protection spéciale aux créanciers nantis qui ont régulièrement inscrit leur garantie en leur accordant le droit de provoquer la déchéance du terme, notamment lorsque le propriétaire du fonds, sur qui pèse l’obligation de notifier dans le délai de quinze au moins à l’avance, le déplacement du fonds de commerce en indiquant le nouvel emplacement qu’il entend lui fixer, opère ce déplacement sans une notification régulière (article 175, alinéa 2). Cette information doit être réalisée par acte extrajudiciaire (c’est-à-dire par exploit d’huissier). Dans l’hypothèse où cette signification n’est pas réalisée, la créance est exigible de plein droit. Le créancier inscrit qui refuse de consentir au déplacement peut, dans les quinze jours suivant la notification, demander la déchéance du terme s’il y a diminution de sa sûreté. Le créancier inscrit qui a consenti au déplacement conserve sa sûreté s’il fait mentionner son accord, dans le même délai, en marge de l’inscription initiale. Si le fonds est transféré dans un autre Etat Partie, l’inscription initiale, à la demande du créancier inscrit, est reportée sur le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier où est transféré le fonds.
Outre la déchéance du terme, les droits et intérêts des créanciers sont préservés contre toute tentative de fraude par la faculté qui leur est reconnue de procéder à l’exercice de l’action paulienne.
2°) – L’action paulienne.
L’action paulienne est prévue par l’article 1167 du code civil qui accorde le droit aux créanciers, d’attaquer en leur nom personnel, les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits. Etant en proie à d’éventuelles contestations et ordres de priorité de paiement, les créanciers chirographaires n’ont aucune garantie particulière puisque le législateur OHADA se contente d’un simple renvoi aux dispositions des articles 2092 et 2093 du Code civil (C. civ.) ( ). Ces textes leur reconnaissent un droit de gage général sur le patrimoine de leur débiteur, qui constitue une garantie précaire. Mais comme, ils ont à craindre que leur débiteur ne compromette ce gage en négligeant leurs droits, ou en dissimulant ses biens ou en les faisant sortir frauduleusement de son patrimoine, ils auront à recourir à l’exercice de l’action paulienne décrite par l’article 1167 du C. civ. Reconnue à tous les créanciers, l’action paulienne ou action révocatoire est l’action par laquelle le créancier demande la révocation des actes d’appauvrissement accomplis par le débiteur en fraude de ses droits. La condition nécessaire à la mise en œuvre de l’action paulienne qui doit être dirigée non pas seulement contre le débiteur mais essentiellement contre le tiers acquéreur, est « l’insolvabilité du débiteur ». L’acte d’appauvrissement peut découler d’un contrat à titre onéreux ou d’un contrat à titre gratuit. Mais, l’action paulienne a surtout pour intérêt de rendre l’acte frauduleux inopposable au créancier agissant.
L’exercice de l’action paulienne est soumis à des conditions et produit des effets.
a) – Les conditions de l’action Paulienne.
L’action paulienne n’est recevable que lorsque le créancier justifie de l’existence d’une créance et d’un préjudice que lui aurait fait subir le débiteur avec la complicité des tiers acquéreurs du fonds de commerce. La créance dont il peut se prévaloir, doit être une créance certaine en son principe « même si elle n’est pas encore liquide et même si elle n’est pas déjà définitivement fixée, elle doit être antérieure à l’acte frauduleux » ( ). Pour que le juge déclare l’action recevable, il doit se placer à la date de l’acte par lequel le débiteur s’est dépouillé de ses biens pour apprécier s’il y a fraude ou non ( ). La fraude est caractérisée par un élément matériel et un élément moral qui doivent être prouvés par tous moyens par le créancier qui a un intérêt à agir. L’élément matériel de la fraude qui cause un préjudice au créancier s’entend de tout acte qui a rendu le débiteur insolvable ou a aggravé son insolvabilité. Cette situation a généralement pour origine un acte d’appauvrissement, faisant sortir une valeur du patrimoine de l’intéressé. En plus de l’élément matériel, le créancier doit établir l’existence d’un élément moral, qui n’implique pas forcément une intention de nuire, mais peut résulter de la seule connaissance que le débiteur a, du préjudice causé à son créancier ( ). Il peut établir la complicité du tiers acquéreur à l’acte frauduleux réalisé par le débiteur en démontrant sa participation consciente au préjudice ou du moins la connaissance de l’existence ou de l’aggravation de l’insolvabilité du débiteur avec lequel il a traité.
Toutes ces conditions étant réunies, l’action paulienne produit des effets de droit.
b) – Les effets de l’action paulienne.
L’action paulienne a pour effet principal de révoquer rétroactivement l’acte frauduleux afin de permettre le retour du bien altéré dans le patrimoine du débiteur. Elle facilite éventuellement, la saisie entre les mains du tiers acquéreur, du fonds acquis au moyen de l’acte frauduleux. A l’égard du créancier exerçant l’action, tout comme à l’égard des autres créanciers, l’acte reste valable. Le débiteur dispose d’un moyen d’éviter la restitution en désintéressant le créancier pour ensuite se retourner contre le vendeur par l’exercice de l’action en garantie contre l’éviction. L’action paulienne est dirigée contre le débiteur fautif en mettant en cause le tiers acquéreur et le créancier l’exerce en vertu d’un droit personnel. En vertu de son effet purement relatif, l’action qui ne profite dans la limite de la créance réclamée, qu’à celui qui l’a intentée, permet de rendre l’acte litigieux inopposable au seul créancier poursuivant (qui n’aura pas à craindre le concours des autres créanciers, s’ils ne sont pas intervenus dans le procès). Le créancier saisira éventuellement le fonds entre les mains du tiers acquéreur ou poursuivre sa vente forcée lorsqu’il est réintégré dans le patrimoine du débiteur. Lorsqu’il ne peut pas saisir le fonds entre les mains du tiers, il est fondé à demander la réparation du préjudice qui lui sera accordée sous forme d’une indemnité à verser par le tiers acquéreur. S’il reste un excédent de valeur après le désintéressement du créancier, cet excédent doit rester au tiers acquéreur. Ce dernier a en outre, une action récursoire contre le débiteur afin de se faire indemniser des valeurs dont il a été privé.
Outre ces prérogatives, la loi a également institué des garanties au profit des créanciers impayés du vendeur de fonds de commerce leur permettant d’obtenir le paiement de leur créance.
II – Les garanties de paiement instituées au profit des créanciers du vendeur du fonds de commerce.
La loi accorde la faculté à tout créancier impayé de recourir à l’exercice des voies d’exécution ( ) prévues aux articles 28 et suivants de l’AUPSRVE. Cette garantie appartient sans distinction à « tout créancier chirographaire ou privilégié » dans les conditions définies par l’article 31 de l’Acte Uniforme qui déclare que « l’exécution forcée n’est offerte qu’au créancier justifiant d’une créance certaine, liquide et exigible sous réserve des dispositions relatives à l’appréhension et à la revendication des meubles ». Le juge OHADA concourt également à la sécurisation des créanciers du vendeur de fonds de commerce en veillant à l’application effective des normes légales dans la mesure où, c’est à lui que le législateur a confié ce rôle en aménageant son pouvoir d’intervention en matière de recouvrement des créances ( ). Pour cela, les créanciers du vendeur de fonds de commerce, auront à choisir parmi un large éventail de mesures légales ( ) que lui offre le législateur OHADA dont la mise en œuvre nécessite le concours des personnes habilitées (huissiers de justice ou agents d’exécution). Ainsi, à défaut d’un règlement à l’amiable, dès lors qu’il est saisi par voie contentieuse, le juge statue en appliquant les normes OHADA en raison de leur supranationalité (conformément à l’article 10 du Traité) ou renvoie aux règles nationales supplétives.
Parmi les panoplies de mesures d’exécution existantes décrites ( ), ils auront à choisir celles qui s’adaptent à leur cas d’espèce, en optant soit pour les mesures conservatoires, soit en faveur des mesures d’exécution forcée.
A – Les mesures conservatoires.
Avant d’entreprendre toute exécution forcée de leurs créances, l’article 54 de l’AUPSRVE autorise tout créancier à pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits et intérêts (dissimulation ou disparition par le débiteur des biens, objet d’un droit de gage général pour le créancier, ou encore par négligence). Ce texte déclare qu’à défaut d’exécution volontaire, toute personne dont la créance parait fondée en son principe, peut par requête, solliciter de la juridiction compétente ( ) du domicile ou du lieu ou demeure le débiteur, une autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable pour faire jouer l’effet de surprise, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. Cette autorisation préalable pour pratiquer valablement une saisie conservatoire n’est pas requise lorsque le créancier est muni d’un titre exécutoire ( ). Par cet assouplissement, il s’est agi pour lui de permettre au créancier de conserver toute chance d’obtenir l’exécution de ce qui lui est dû. En outre, à la différence de la saisie-vente, le commandement préalable n’est pas exigé. Les mesures conservatoires ont pour effet de rendre indisponibles les biens saisis. Lorsqu’elles ont été obtenues et pratiquées sans titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
Les mesures conservatoires sont constituées d’une part, des sûretés judiciaires et d’autre part des saisies conservatoires.
1° – Les sûretés judiciaires.
Les sûretés judiciaires ( ) sont des procédures instituées par la loi permettant au créancier de demander au juge compétent de lui accorder une hypothèque forcée judiciaire ou une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce ou sur des parts sociales ou sur des valeurs mobilières en garantie de l’exécution de ses obligations conformément aux dispositions des articles 142 et 164 de l’AUS. L’article 198 de l’AUS révisé autorise tout créancier impayé (y compris le créancier du vendeur de fonds de commerce) à demander à la juridiction compétente qu’une l’hypothèque forcée judiciaire lui soit accordée, en précisant que l’immeuble de son débiteur lui demeure en paiement. Cette faculté n’est ouverte au créancier qu’à la condition que le juge désigne un expert chargé de déterminer la valeur de l’immeuble : « si la valeur de l’immeuble excède le montant de la garantie du créancier hypothécaire, celui-ci doit au constituant une somme égale à la différence et s’il existe d’autres créanciers hypothécaires ( ), ce montant sera consigné par le créancier » ( ) et de vérifier l’existence et l’exigibilité de la créance ( ). La juridiction compétente saisie accordera l’inscription provisoire en fixant un délai (article 213 de l’AUS) au-delà duquel, le créancier doit, à peine de caducité de l’autorisation ( ), former devant la juridiction compétente l’action en validité d’hypothèque conservatoire ou la demande au fond ( ), même présentée sous forme de requête à fin d’injonction de payer, faute de quoi, le débiteur peut demander au juge la mainlevée de l’inscription provisoire ( ). Le créancier peut aussi demander au juge compétent l’autorisation d’une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce ou sur les parts sociales et les valeurs mobilières du débiteur en garantie de l’exécution de ses obligations conformément aux dispositions des articles 142 et 164 de l’AUS. Si le juge accorde le nantissement sur le fonds de commerce sa mise en œuvre obéit aux dispositions relatives à la saisie conservatoire des droits d’associés et des valeurs mobilières des articles 85 à 90 de l’AUPSRVE.
Pour sauvegarder ses droits, le créancier peut juger utile de recourir également aux saisies conservatoires.
2°) – Les saisies conservatoires
Les saisies conservatoires sont des saisies qui ont pour objectif immédiat de prévenir l’insolvabilité du débiteur en l’empêchant de disposer de certains biens et donc de les dilapider ou d’en diminuer la valeur afin de les préserver au profit du créancier. Les saisies conservatoires sont des saisies à caractère provisoire portant sur les biens mobiliers corporels ou incorporels appartenant au débiteur (créances, comptes, etc.) appartenant au débiteur. Elle apporte une garantie au créancier avant que ne soit prononcé le jugement condamnant son débiteur à payer sa créance. Lorsqu’elles portent sur une créance ayant pour objet une somme d’argent, l’acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par la juridiction compétente. Le législateur OHADA offre le choix au créancier qui remplit conformément aux dispositions de l’article 54 de l’AUPSRVE, les conditions générales de saisir à titre conservatoire les biens meubles corporels ou incorporels de son débiteur.
S’agissant alors de créanciers, victimes d’une vente clandestine du fonds de commerce par le vendeur, ils auront deux principaux moyens à leur portée : soit procéder à une saisie conservatoire de la créance du vendeur détenue par un tiers (acquéreur ou séquestre), soit pour appréhender le bien (le fonds de commerce vendu frauduleusement) qui se trouve entre les mains de l’acquéreur).
a)– Les saisies de créance du débiteur.
Lorsque le créancier du vendeur opte pour la saisie conservatoire de créance, autrefois qualifiée de saisie-arrêt, il doit se conformer aux prescriptions des articles 77 à 84 de l’AUPSRVE. Il peut s’adresser directement à l’huissier de justice pour recourir à la saisie conservatoire s’ils disposent d’un titre exécutoire, d’une décision de justice non encore exécutoire, d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque ou loyer impayé. Le créancier procède à la saisie au moyen d’un acte d’huissier ou d’agent d’exécution signifié au tiers en respectant les formalités imposées par les articles 54 et 55 de l’AUPSRVE. S’il ne dispose pas d’un des titres ci-dessus, il doit saisir par requête, à défaut d’accord à l’amiable, le juge de l’exécution d’une demande de saisie conservatoire, pour que les sommes saisies soient consignées entre les mains d’un séquestre désigné par la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le débiteur. Dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la loi fait l’obligation au créancier, à l’article 79 de porter la saisie conservatoire à la connaissance du débiteur par acte d’huissier ou d’agent d’exécution. De même, elle oblige aussi le tiers (article 80) à fournir à l’huissier ou à l’agent d’exécution les renseignements prévus à l’article 156 ci-après et de lui remettre copie de toutes pièces justificatives. Les renseignements sont mentionnés dans le procès-verbal.
Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s’expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie attribution sauf son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère. A défaut de contestation des déclarations du tiers avant l’acte de conversion, celles-ci sont réputées exactes pour les seuls besoins de la saisie. Les créances saisies sont ainsi bloquées entre ses mains jusqu’à la conversion de la mesure en saisie-attribution. Cette conversion est prévue par l’article 82 de l’AUPSRVE qui précise que muni d’un titre exécutoire constatant l’existence de sa créance, le créancier signifie au tiers saisi un acte de conversion qui contient, sous peine de nullité toutes mentions relatives aux saisi et au saisissant, la référence au procès-verbal de saisie conservatoire, la copie du titre exécutoire sauf si celui-ci a déjà été communiqué lors de la signification du procès-verbal de saisie, le décompte distinct des sommes dues en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts et une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur. L’acte informe le tiers que, dans cette limite, la demande entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier.
Outre la saisie conservatoire de créances, le créancier du vendeur de fonds de commerce dispose d’une action encore plus significative, celle portant sur le fonds de commerce.
b) – Les saisies-appréhension du fonds de commerce.
Les créanciers peuvent pratiquer une saisie-appréhension sur le fonds de commerce conformément aux articles 218 à 226 de l’AUPSRVE qui autorisent cette forme de saisie sur les biens meubles du débiteur. C’est une procédure qui permet de faire appréhender, par ministère d’huissier, un meuble corporel entre les mains de celui qui est tenu de le restituer au créancier. Les mécanismes diffèrent lorsqu’il s’agit de saisir entre les mains du débiteur où entre les mains du tiers acquéreur. La saisie appréhension entre les mains du débiteur de l’obligation comporte deux actes : le commandement de délivrer ou de restituer le bien et l’acte de constatation de la remise volontaire ou de l’appréhension du bien. Le commandement de délivrer ou de restituer est signifié au débiteur qui doit s’offrir à effectuer le transfert du bien à ses propres frais dans un délai de huit jours.
Le bien peut aussi être appréhendé immédiatement, sans commandement préalable et sur la seule présentation du titre exécutoire, si le débiteur présent refuse l’appréhension du bien, objet de la saisie (article 220 AUPSRVE). A cet effet, l’acte d’appréhension doit préciser que les contestations pourront être portées devant la juridiction du lieu où demeure celui auquel le bien est retiré. L’huissier dressera un acte constatant soit la remise volontaire, soit l’appréhension du bien, avec description détaillée et, si besoin, la photographie. Si la saisie appréhension est effectuée entre les mains d’un tiers, une sommation de remettre est directement signifiée à ce tiers (article 224). S’il refuse, le créancier ou le tiers lui-même peut saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la sommation, faute de quoi la sommation et toutes mesures conservatoires qui auraient pu être prises sont caduques (article 225). Si le juge ordonne la saisie du bien, celui-ci peut être appréhendé immédiatement sur présentation de la décision judiciaire (article 226 AUPSRVE). La saisie-appréhension conduit le plus souvent, à une saisie-vente, c’est à dire à une vente des biens mobiliers afin de rembourser les créanciers.
B – Le recouvrement de la créance.
Les créanciers du vendeur de fonds de commerce qui ont épuisé toutes les autres voies de recours tendant à un règlement amiable de leurs créanciers ou à la conservation de leur droit de créance, peuvent solliciter un recouvrement forcé de leurs créances. L’exécution forcée se concrétise par la voie de la saisie et de la vente des biens du débiteur. A défaut d’exécution volontaire, l’article article 28 de l’acte uniforme sur le recouvrement simplifié et voies d’exécution autorise tout créancier disposant d’une créance certaine, liquide et exigible, quelle que soit sa nature, à saisir et à vendre les biens de son débiteur. Les saisies sont des moyens destinés à contraindre le débiteur défaillant à exécuter ses obligations, elles mettent en scène plusieurs acteurs : à savoir les parties à l’exécution, l’huissier de justice et le juge en sa qualité d’autorité de surveillance. Toutes les saisies aux fins d’exécution sont conditionnées par l’existence d’un titre exécutoire qui, en pratique est la décision de justice revêtue de la formule exécutoire.
L’acte uniforme sur les voies d’exécution, donne attribution au greffier de constater l’inaction du débiteur lorsque celui-ci n’a pas expressément déclaré contester la procédure de saisie, constat qui permet le paiement de la créance poursuivie. Lorsque le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire, il doit s’adresser au juge, pour obtenir l’autorisation de saisir les biens du débiteur défaillant pour ensuite procéder à leur vente. Le juge doit apprécier le bien-fondé de la demande en vérifiant si celle-ci réunit les conditions exigées par l’AUPVSRE comme l’a toujours fait le juge communautaire ( ). Mais quelle que soit les acteurs intervenant dans la procédure de saisie, le rôle de la justice est prééminent en matière de recouvrement forcé de créances, pour lequel le débiteur ne s’exécute que sous la pression : qu’il s’agisse de saisie-attribution, de saisie-vente ou même de vente forcée d’un bien meuble ou immeuble du débiteur, l’intervention de la justice est nécessaire.
Parmi toutes les mesures d’exécution forcée, les créanciers vendeurs de fonds de commerce peuvent recourir entre autres, à la saisie-attribution des créances pour réclamer le paiement du prix de vente du fonds de commerce (se trouvant encore en possession d’un détenteur : l’acquéreur ou le séquestre) où à l’exécution forcée de la créance.
1°) – La saisie attribution du prix de vente du fonds de commerce.
Tout créancier qui ne peut ni exiger le paiement de sa créance, ni bénéficier du privilège grevant le fonds de commerce, peut recourir à la procédure de saisie-attribution pour réclamer le paiement du prix non encore versé qui se trouve entre les mains d’un tiers détenteur (de l’acquéreur ou du séquestre). La saisie-attribution comme toute saisie est un moyen très efficace de recouvrement de créance, organisé par les articles 153 à 172 de l’AUPSRVE en application desquels, tout créancier titulaire d’une créance liquide et exigible constatée par un titre exécutoire peut saisir la créance de son débiteur détenue par un tiers. Le tiers détenteur peut être l’acquéreur du fonds de commerce, mais également une personne entre les mains de laquelle, les sommes sont consignées tel que l’huissier ou de l’agent d’exécution, le greffe, le notaire, la banque ou l’établissement financier désigné comme séquestre au choix du créancier saisissant. L’acte de saisie rend indisponibles les biens ou les sommes d’argent qui en sont l’objet. Le débiteur saisi ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a été effectuée est réputé gardien des objets saisis sous peine de sanctions pénales organisées par les législations nationales. Cette voie d’exécution permet de bloquer immédiatement les sommes dues au débiteur poursuivi, à hauteur du montant des causes de la saisie et de ses accessoires, et notamment celles pouvant figurer sur les comptes bancaires dont il est titulaire ( ). L’article 157 de l’AUPSRVE indique que le créancier qui procède à la saisie par acte d’huissier ou d’agent d’exécution doit signifier la saisie au tiers et dans un délai de huit jours, à peine de nullité, la dénoncer au débiteur ( ). Cet acte ( ) doit contenir l’indication que le débiteur peut soulever des contestations dans le délai d’un mois de la dénonciation. Il doit enfin contenir la défense faite au tiers débiteur de disposer des sommes réclamées et l’obligation de déclarer l’étendue de ses obligations envers le débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter (article 154 de l’AUPSRVE).
Le tiers saisi doit fournir à l’huissier ou à l’agent d’exécution les renseignements utiles qui selon l’article 156, seront mentionnés sur l’acte de saisie. En cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte, il pourrait être condamné à des dommages intérêts ( ). En cas de pluralité de saisies-attributions de créances portant sur le montant d’un compte chèque insuffisant pour désintéresser tous les créanciers, le juge a décidé que les premiers saisissants sont seuls attributaires du montant, en application de l’article 155 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé qui dispose en substance que « la signification ultérieure d’autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ne remettent pas en cause cette attribution… » ( ). En outre, elle a annulé la décision d’une juridiction d’Appel qui a ordonné, en méconnaissance des dispositions de l’article 144 de l’AUPSRVE, l’annulation de la saisie et la restitution des biens saisis après la distribution du prix de vente des véhicules qui ont fait l’objet d’une saisie-vente régulière ( ). Le tiers saisi procède au paiement des sommes saisies sur présentation d’un certificat de greffe attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou sur présentation de la décision exécutoire de la juridiction rejetant la contestation ( ).
Le paiement peut également avoir lieu avant l’expiration du délai de contestation si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester la saisie (article 164 de l’AUPSRVE). Le paiement est effectué contre quittance entre les mains du créancier saisissant ou de son mandataire justifiant d’un pouvoir spécial qui en informe immédiatement son mandant. En conséquence, l’attribution ne peut dépasser le montant de la dette du tiers saisi envers le débiteur saisi et dans la limite des sommes versées, ce paiement éteint l’obligation du débiteur et celle du tiers saisi. En cas de contestation, toute partie peut demander à la juridiction compétente, sur requête, la désignation d’une séquestre, à qui le tiers saisi versera les sommes saisies. En cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente (par voie d’assignation, dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur) qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi. Le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir en répétition de l’indu devant la juridiction du fond compétente selon les règles applicables à cette action. La décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.
En plus de la saisie-attribution, le créancier du vendeur de fonds de commerce a la faculté d’exiger du débiteur le paiement de sa créance.
2°) – L’exécution forcée.
L’exécution forcée de la créance consiste pour le créancier impayé du vendeur de fonds de commerce de s’adresser à la juridiction compétente pour obtenir la condamnation du débiteur au paiement de sa dette. Le législateur OHADA a organisé des procédures qui lui permettent d’obtenir un règlement rapide et imminent de ses créances, à travers la procédure de l’injonction de payer ou celle de la saisie des biens mobiliers (ou immobiliers) qui sera transformée en une vente forcée du fonds de commerce.
a) – L’injonction de payer.
Les créanciers du vendeur de fonds de commerce qui souhaitent obtenir un paiement rapide de leurs créances peuvent au préalable opter pour l’application des dispositions des articles 1 à 18 relatives à la procédure d’injonction de payer. Aux termes de l’article 1er de l’AUPSRVE, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer ». L’injonction de payer est une procédure judiciaire rapide et peu onéreuse qui permet à un créancier de contraindre son débiteur à honorer ses engagements. La première phase de cette procédure n’est pas soumise au principe du contradictoire, puisque le créancier peut obtenir l’ordonnance d’injonction de payer alors que le débiteur n’est pas avisé de la procédure. La procédure d’injonction de payer est adressée au moyen d’une simple requête ( ), à la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur ou l’un d’eux en cas de pluralité de débiteurs. La requête doit contenir à peine d’irrecevabilité des indications relatives à l’identité, à la profession et au domicile des parties ou pour les personnes morales, leurs formes, dénomination et siège social, l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celles-ci.
L’article 2 de l’AUPSRVE indique que la procédure d’injonction de payer ne peut être introduite lorsque la créance a une cause contractuelle ou lorsqu’elle résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante. La demande ainsi que les pièces justificatives qui l’accompagnent sont soumises à l’examen du Président de la juridiction compétente, qui, au vu des documents produits, lorsque la demande lui paraît fondée en tout ou partie, rendra une ordonnance portant injonction de payer pour la somme retenue, par laquelle il adjoindra au débiteur de s’acquitter de sa dette dans un délai déterminé. S’il rejette en tout ou en partie la requête, sa décision est sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci de procéder selon les voies de droit commun. La décision portant injonction de payer ainsi qu’une copie certifiée conforme de la requête doivent être notifiées au débiteur par acte extrajudiciaire dans un délai maximal de trois mois à compter de sa date sous peine de caducité. A la réception de l’ordonnance, le débiteur peut contester l’ordonnance d’injonction, par voie d’opposition, auprès du tribunal qui l’a rendue ( ).
Mais comme cette mesure urgente n’aboutit pas souvent à un règlement définitif de la créance, on constate que les créanciers du vendeur de fonds de commerce tentent de recourir à d’autres procédures légales de recouvrement de leur créance, notamment à la vente sur saisie du fonds de commerce.
b) – La vente sur saisie du fonds de commerce.
Les créanciers du vendeur de fonds de commerce peuvent décider de la vente judiciaire du fonds de commerce, en adressant une demande au tribunal de commerce dans le ressort duquel s’exploite ledit fonds. Cette vente judiciaire du fonds intervient sous forme de conversion de saisie-exécution d’éléments isolés du fonds de commerce dans la mesure où, le fonds de commerce est un bien insaisissable (en raison de son utilité pour le débiteur). Les créanciers qui ont régulièrement pratiqué la saisie-vente sur des éléments corporels du fonds de commerce appartenant à leur débiteur, peuvent demander à la juridiction compétente, l’autorisation de procéder à la vente forcée du fonds. Cette opération qui résulte de la procédure organisée par les articles 91 et suivants de l’Acte uniforme ( ), a vocation à s’appliquer à tous les biens meubles corporels du débiteur, peu importe qu’ils soient en sa possession ou détenus par un tiers ( ). A l’issue de la procédure qui débute par un commandement de payer, le débiteur en cas de non-paiement procède lui-même à la vente amiable de ses biens saisis. Il doit notifier sa décision aux créanciers qui disposent d’un délai de quinze jours pour prendre le parti d’accepter la vente amiable, de la refuser ou de se porter acquéreurs. En l’absence de réponse, ils sont réputés avoir accepté. A l’expiration du délai d’un mois prévu à cet effet, le créancier est autorisé à procéder à leur vente forcée. Tout créancier réunissant les conditions prévues par l’article 91 peut se joindre à une saisie déjà pratiquée sur les biens du débiteur, par le moyen d’une opposition, en procédant, au besoin, à une saisie complémentaire. Aucune opposition ne peut être reçue après la vérification des biens (article 130). La vente sur saisie est une procédure offerte à tous les créanciers, y compris au Trésor Public ( ), tant que les objets saisis ne sont pas vendus qui leur permet de demander au tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité, la vente du fonds du débiteur saisi avec le matériel et les marchandises qui en dépendent. Cette forme de vente forcée du fonds sur saisie très usitée en droit français ( ) est rarement pratiquée en droit OHADA. Cette procédure qui a pour effet d’immobiliser les biens en vue de leur vente, aura pour avantage de faciliter le paiement du créancier sur le prix de la vente des biens saisis et du fonds de commerce.
Aussi, le législateur OHADA a aussi aménagé une procédure particulière applicable aux créanciers du vendeur de fonds de commerce disposant d’une sûreté sur cet élément important du patrimoine du débiteur leur permettant de réaliser leur nantissement.
2) – La réalisation du nantissement sur fonds de commerce.
Le nantissement du fonds de commerce est l’acte de disposition par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce affecte celui-ci à titre de garantie au paiement d’une dette. Il est constitué au profit de tout créancier par le propriétaire du fonds de commerce qui reste en possession de son bien, malgré la constitution de cette sûreté ( ). A l’instar de toute sûreté réelle, le nantissement du fonds de commerce est l’accessoire d’une créance, qu’elle soit liée ou non à l’exploitation du fonds de commerce (la créance peut être présente ou future, à condition qu’elle soit déterminable). D’ailleurs, tout comme le nantissement judiciaire, le nantissement conventionnel ( ) doit être constaté sous peine de nullité, dans un écrit comportant certaines mentions obligatoires décrites par l’article 163 de l’AUS ( ). Il n’est opposable aux tiers que s’il est inscrit au Registre du Commerce et de Crédit Mobilier dans les conditions prévues par les articles 51 à 56 de l’AUS.
Ainsi, le juge OHADA exige toujours des créanciers en plus de la justification d’un nantissement régulier établi dans le respect des formalités prescrites par les articles 55 à 56 et 163 de l’AUS, un écrit et une inscription de leur sûreté, au titre des conditions essentielles de validité entre les parties et, d’opposabilité aux tiers ( ). Il s’oppose à la réalisation du nantissement, lorsque le créancier n’arrive pas à apporter la preuve d’une créance, certaine, liquide et exigible en application de l’article 1er de l’AUPSRVE ou à démontrer que le fonds de commerce en cause a fait l’objet d’un nantissement à son profit ou que le débiteur est propriétaire du fonds nantis ( ). Pour la réalisation de leur créance, tous les créanciers (qu’ils soient inscrits ou non) ont les mêmes droits, la distinction n’intervient seulement qu’au moment de la distribution du prix de vente, pour laquelle, les créanciers inscrits disposent d’une priorité de paiement sur les créanciers chirographaires. Ces derniers ne seront payés que proportionnellement au montant de leurs créances, au marc le franc, après avoir désintéressé les premiers. En plus, le créancier nanti bénéficie comme les autres créanciers inscrits, d’un droit de suite, d’un droit de préférence et d’un droit de réalisation qu’il exerce conformément aux dispositions de l’AUS.
Dès lors qu’il est régulièrement constitué, le nantissement confère à son titulaire des privilèges et un droit de réalisation.
a) – Les privilèges du créancier nanti.
A l’instar de tous les autres créanciers inscrits, les créanciers nantis dispose d’un droit de suite et d’un droit de préférence qu’ils exercent conformément aux dispositions des articles 97, alinéa 2 et 226 de l’AUS. Le droit de suite va permettre au créancier nanti de faire saisir le fonds de commerce tout entier et non de certains de ses éléments ( ), entre les mains de quelque personne que ce soit, y compris un acquéreur de bonne foi. Le créancier nanti va primer les bénéficiaires inscrits après la cession, en garantie des dettes de l’acquéreur. Il importe aussi de souligner que « le droit de suite pourra être exercé par le créancier nanti, sans que ce dernier ait besoin de faire opposition au paiement du prix de cession de fonds ou même de déclarer sa créance en cas de redressement judiciaire de l’acquéreur » ( ). Le droit de préférence du créancier nanti s’exerce conformément à l’ordre de paiement organisé par l’article 226 de l’AUS. Dans l’hypothèse d’une pluralité de créanciers nantis ou bénéficiant du privilège du vendeur d’immeuble, celui qui dispose de l’inscription la plus ancienne sera désintéressé en priorité à hauteur de l’intégralité de sa créance. Contrairement au droit français, le droit de préférence va s’exercer par déduction de l’article 150 de l’AUDCG ( ) sur le prix de de revente de manière indistincte.
En plus de ces privilèges, le créancier nanti dispose d’un droit de réalisation de sa créance.
b) – Le droit de réalisation de la créance nantie.
Pour la réalisation de sa créance conformément aux dispositions de l’article 104 de l’AUS, le créancier nanti ne peut demander l’attribution judiciaire du fonds de commerce en raison de sa nature particulière, mais peut seulement recourir à la vente forcée du fonds de commerce en application des dispositions de l’AUPSRVE ( ). Aux termes l’article 120 de l’AUPSRVE, la vente forcée est effectuée aux enchères publiques, par un auxiliaire de justice habilité par la loi nationale de chaque État partie, soit au lieu où se trouvent les objets saisis, etc. C’est ainsi qu’un juge national a cautionné une vente forcée aux enchères publiques pratiquée à la suite de la saisie-vente sur les matériels et outillages d’une station essence comme constituant une cession de fonds de commerce ( ). La procédure de la vente forcée est soumise à la publicité qui est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis. L’adjudication est faite au plus offrant après trois criées. Le prix est payable comptant, faute de quoi, l’objet est revendu à la folle enchère de l’adjudicataire. La vente est arrêtée lorsque le prix des biens vendus assure le paiement du montant des causes de la saisie et des oppositions, en principal, intérêts et frais. Le créancier sera alors désintéressé de sa créance sur le prix de la vente forcée du fonds de commerce. Néanmoins, la distribution du prix de vente obéit à la procédure prévue par l’AUPSRVE qui organise la répartition selon qu’il y ait un ou plusieurs créanciers ( ). Le règlement des créanciers doit être effectué dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l’accord.
Dans le même délai, le solde est remis au débiteur. Lorsque les créanciers n’ont pas pu s’entendre sur une répartition consensuelle dans le délai d’un mois qui suit le versement du prix de vente par l’adjudicataire, le créancier le plus diligent peut provoquer une répartition judiciaire du prix, en saisissant le juge compétent. C’est donc à bon droit qu’une action initiée dans ce sens a été déclarée recevable pour avoir été formée dans les conditions fixées par l’article 325 de l’AUPSRVE ( ). La décision de répartition est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa signification et selon les conditions prévues à l’article 333.
Conclusion :
Pour atteindre l’objectif de la garantie de la sécurité juridique et judiciaire accordée aux investisseurs dans l’espace OHADA, le législateur s’est efforcé d’élaborer une réglementation de la vente du fonds de commerce en imposant à l’acquéreur dans l’AUDCG, l’obligation de publier la vente du fonds de commerce, pour leur permettre d’exercer les prérogatives d’opposition et de surenchère. Cette réglementation qui constitue le fondement juridique de la protection des créanciers du vendeur de fonds de commerce même renforcée par des garanties instituées dans l’Acte Uniforme portant Sûreté (AUS) facilitant la constitution des sûretés sur le fonds de commerce est insuffisante. Certes, pour obtenir plus facilement du crédit, le débiteur propriétaire du fonds de commerce, va consentir un nantissement sur celui-ci, lui permettant de poursuivre l’exploitation du fonds de commerce nanti, malgré la constitution de la garantie. En dépit de cette volonté du législateur communautaire de garantir la sécurité juridique et judicaire aux investisseurs nécessaires au développement du crédit dans l’espace OHADA, les créanciers du vendeur de fonds de commerce ne bénéficient pas de la plénitude d’une protection somme toute limitée, tant du point de vue légale que judicaire.
Certes d’un point de vue formel, le législateur OHADA a élaboré des règles qui consacrent l’institution des prérogatives qui permettent aux créanciers de se prémunir contre la mauvaise foi du vendeur de fonds de commerce, mais ces prescriptions légales n’assurent pas une entière sécurité juridique aux créanciers du vendeur de fonds de commerce qui sont souvent exposés à des risques d’insécurité auxquels les exposent leur débiteur qui n’hésitent pas à recourir la fraude de leurs droits. Pour combler une telle lacune juridique, le législateur renvoie aux actions de droit commun dites actions de protection du patrimoine (actions paulienne, en déclaration de simulation, déchéance de terme, action directe, etc.). Mais ces actions qui relèvent du droit commun des obligations n’assurent une garantie efficace que lorsqu’elles sont complétées par des procédures de droit commun des voies d’exécution –AUPRSVE) qui permettent aux créanciers de se prémunir contre la mauvaise foi du vendeur de fonds de commerce. Or, le recours aux procédures d’exécution, à l’exception de la vente forcée du fonds de commerce, ne tend qu’à la conservation des droits des créanciers dans le patrimoine du débiteur et non à l’exécution forcée de leur créance.
D’ailleurs, les voies d’exécution ne comportent pas de procédure qui autoriserait directement la saisie d’un fonds de commerce, les créanciers ne peuvent que procéder à saisie de certains éléments du fonds aux fins de conversion en vente forcée du fonds de commerce. Quoi qu’il en soit, l’apport limité du droit primaire OHADA en matière de sécurisation juridique des créanciers du vendeur a un impact certain sur le droit dérivé jurisprudentiel. En effet, la finalité du droit OHADA est de parvenir à l’institution d’un système juridique constitué de normes directement applicables et obligatoires dont l’unification est assurée par la CCJA. Mais comment garantir la sécurité juridique et judiciaire en présence d’une réglementation inachevée ? La Cour n’assumera complètement sa mission de garante de la sécurité judiciaire des justiciables dans l’espace OHADA que lorsque le législateur opère une refonte des textes en prenant en compte dans sa réglementation tous les abus susceptibles d’affecter les droits de créance.
Amina BALLA KALTO
Assistante à la FSEJ/UAM
Revue de l’ERSUMA :: Droit des affaires – Pratique Professionnelle, N° 6 – Janvier 2016, Doctrine.