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En mémoire de feu Robert Kossi BAGNA

Par Serigne MODOU DIAKHATE
Dr en Sciences criminelles et en Droit privé, Université de Paris 1 la Sorbonne.
1er Secrétaire exécutif de la Commission nationale de l’OHADA du Sénégal, ancien Conseiller technique du Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice, chargé de la coopération internationale. Actuel Président de la chambre civile de la Cour d’Appel

Dans la Newsletter OHADA.org reçue du Secrétariat Permanent de l’OHADA, le jeudi 11 juin 2020 à 15h27, j’ai appris avec tristesse le décès de l’ancien Directeur des Ressources Humaines, du Matériel et de l’Administration Générale de ladite organisation : feu Robert Kossi BAGNA.

Au nom des amis et experts étatiques pendant notre compagnonnage, je tiens à exprimer ces quelques mots de témoignage sur l’illustre disparu, qui a rendu d’innombrables services à notre Organisation pendant les années de braise, toujours au service au Secrétariat Permanent de l’OHADA basé à Yaoundé (Cameroun).

C’est en cela que j’ai gardé, je garde et garderai toujours en mémoire le souvenir d’un « collaborateur dévoué et d’un grand serviteur » de la cause « ohadienne ».

Je m’en veux pour preuves, les quelques expériences partagées avec lui pendant que le Sénégal, mon pays, assurait la présidence du Conseil des Ministres de l’OHADA, d’octobre 2007 à Décembre 2008, notamment à travers l’organisation de la Conférence des Chefs d’Etats-parties au Québec (Canada) et nos rapports avec les Partenaires Techniques et Financiers.

En effet, si la seconde expérience nous permis de signer des Conventions de partenariat avec la Banque Mondiale, à travers la FIAS, en décembre 2008 à Dakar, et de jeter les bases d’un partenariat avec l’Union Européenne1 (nous y reviendrons plus tard), la première relative à l’organisation de la Conférence des Chefs d’Etat-parties de l’OHADA, au Québec, mérite de s’y attarder dans la mesure où elle nous a permis de vérifier les talents de Grand serviteur et de Diplomate dévoué de feu Robert Kossi BAGNA.

En effet, pour rappel, je dois affirmer que le processus de révision du Traité fondateur de l’OHADA bénéficia du hasard du calendrier notamment par la tenue programmée en octobre 2008 du Sommet de la Francophonie à Québec (Canada) qui servira de cadre à l’épilogue de ce long processus de révision dudit Traité.

Le Sénégal prit ainsi sa présidence à cœur et impulsa le mouvement en s’emparant à bras-le -corps de la réforme structurelle de l’OHADA2 dont la révision du Traité fut le clou.

C’est également le lieu de mentionner toutes les facilités mises par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) à la disposition de l’Etat du Sénégal et du Secrétariat permanent de l’OHADA pour rendre possible l’organisation de cette réunion au sommet de l’OHADA. Il s’agit, notamment, de :

  • l’implication personnelle du Président Abdou Diouf qui veilla à convaincre les autorités canadiennes à accepter la tenue de cette réunion extraordinaire en marge des manifestations du Sommet de la Francophonie ;
  • l’implication forte de Monsieur Ousmane PAYE, Conseiller spécial aux affaires politiques, chargé de l’organisation du Sommet de Québec, de Mme Christine Dessouches, Conseiller spécial aux affaires politiques du Président Diouf et de son successeur à la DDHDP, Monsieur Hugo SADA, Délégué aux droits de l’Homme, à la Démocratie et à la Paix (DDHDP) et de Monsieur Hervé Cronel, Conseiller spécial à l’économie et au développement durable.
  • la mise à disposition des collaboratrices du service des Conférences internationales de l’OIF et de l’expert/consultant de l’OIF, Monsieur AHOYO pour la réussite de cette réunion ;
  • la tenue des réunions préparatoires à Québec entre la structure faîtière du Sommet, le Sénégal et le Secrétariat permanent.

Tout ceci s’est concrètement traduit :

d’abord, par une demande officielle de la présidence sénégalaise de l’OHADA adressée au président Abdou Diouf pour solliciter de l’OIF une assistance technique consistant à l’aider à organiser la conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats-parties de l’OHADA, en marge du sommet de la francophonie qui se profilait à l’horizon, et de financer une étude sur le mode de sélection et de désignation des Responsables des Institutions de l’OHADA en prévision de la « mort » de « l’Arrangement de N’Djamena » devant être prononcée par ladite conférence. Ce qui fut accepté. Et l’étude a été confiée au Professeur Dorothée SOSSA, devenu par la suite Secrétaire Permanent de l’OHADA après le premier lancement de l’appel à candidatures aux responsables des institutions de l’OHADA, à l’exception de la CCJA dont la présidence est réglée par le Traité. Le document final de cette étude, remise à la présidence sénégalaise, a fait l’objet d’un amendement par le Comité des Experts avant d’être adopté par le Conseil des Ministres à l’occasion de sa session tenue à Dakar les 31 juillet et 1er août 2008.

Ensuite, une mission technique de l’OHADA composée de M. Baye Moctar DIOP, 2ième Conseiller à l’Ambassade du Sénégal à Ottawa au Canada, de M. Koléka BOUTORA-TAKPA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, de feu Robert Kossi BAGNA, Directeur de l’Administration Générale, du Journal Officiel et des Relations publiques de l’OHADA et de moi-même, s’est rendue au siège du XIIème Sommet de la Francophonie sis Parc Samuel-Holland, édifice 1, 1245, chemin Sainte-Foy, bureau 300 Québec, GIS 4P2 Canada en vue de préparer cette conférence des chefs d’Etat de l’OHADA.

Cette mission a été reçue par M. Denis RICARD, Directeur général du SOMMET, entouré de ses plus proches collaborateurs. Après échange de points de vue, les deux parties ont convenu de ce qui suit :

• date et heure de la réunion : vendredi 17 octobre 2008 de 10h30 à 12h30 ;

• lieu : Loews le Concorde Hôtel (où seraient logés onze (11) Chefs d’Etat de l’OHADA, à la salle Suzor-Côté, Krieghoff et Borduas, entièrement équipée par la partie canadienne en table en hue selon le format 1+4 (chef de délégation accompagné de quatre collaborateurs), tenant compte de la composition statuaire de l’OHADA, 16 ministres de la Justice et 16 ministres chargés de l’Economie et des Finances + leurs conseillers, de 16 micros fixes et de 4 micros mobiles + certaines commodités dont notamment des chevalets, des ordinateurs portables équipés d’imprimantes, une photocopieuse performante pour la reprographie, deux PC et une imprimante pour le secrétariat ; les fanions seront apportés par l’OHADA.

Par conséquent, le nombre de participants prévu serait de 84 soit :

  • 16 chefs d’Etat,
  • 16 ministres de la Justice,
  • 16ministres de l’Economie et des Finances,
  • 32 conseillers
  • 3 responsables des institutions de l’OHADA
  • 4 invités dont les noms et qualités seront confirmés ultérieurement.

• La réunion sera suivie d’un point presse de 30 minutes devant la salle de la réunion par Me Abdoulaye WADE, Président de la République du Sénégal qui assure la présidence de l’OHADA ;

• Une photo de famille est également prévue sur place par une photographe professionnelle agrée par l’organisation du Sommet, juste après la clôture des travaux ;

• La réunion de concertation des Ministres le samedi 18 octobre 2008 est programmée de 10h à 12h à l’hôtel Château Laurier Québec, situé juste derrière l’hôtel L la Concorde, au 1220, Place George-V Ouest Québec (Québec). Dans cet hôtel, deux salles (une pour la réunion et une pour le déjeuner offert par l’OHADA) sont mises à la disposition de l’OHADA par le Sommet, mais l’équipement et l’installation revient à l’OHADA. Cette mission a été jugée positive.

Il a été convenu, avec le Secrétariat à l’Organisation du Sommet de la Francophonie qu’en vue de faciliter l’accréditation, l’accueil protocolaire, le transport et l’hébergement, des délégués spécialement venus pour la réunion des Chefs d’Etat de l’OHADA devraient intégrer les délégations officielles des Etats membres du Sommet de la Francophonie

En conséquence, ils devront, comme les participants du Sommet de la Francophonie, remplir les formulaires des délégués (dont un exemplaire nous a été remis sur place) et porter les badges qui leur sont réservés. Ainsi, ces badges de délégués leur donneront-ils accès aux lieux sécurisés du Sommet. Aussi, leur accueil ainsi que leur transport seront-ils assurés par l’organisation du Sommet de la Francophonie dès leur arrivée prévue officiellement à partir du 16 octobre 2008. Il en sera de même pour les autres qui arriveraient plus tôt à la condition qu’ils se seraient signalé avant leur arrivée au Canada.

Les dispositions pratiques ci-dessus relatées arrêtées, d’accord parties, la mission technique de l’OHADA, conformément au programme initialement arrêté, a tenu une réunion avec le Comité de pilotage du Sommet basé au niveau de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) au 105, rue André Citroën, à Paris pour une réunion de cadrage. Celle-ci nous permis de finaliser les points suivants :

• Projet d’ordre du jour de la réunion des Chefs d’Etat :

  • Problèmes liés au Financement de l’OHADA,
  • Arrangements de Ndjamena,
  • Signature du Traité révisé ;

• Documents de travail (le Secrétariat Permanent de l’OHADA devra préparer des projets de résolution ou déclaration à envoyer aux Etats pour observations avant d’être soumis aux Chefs d’Etat) ;

• Projet d’ordonnancement des travaux (la Présidence et le Secrétariat Permanent de l’OHADA devront confirmer à l’avance la liste des quatre personnalités qui seront invitées à la cérémonie de signature du Traité révisé de l’OHADA).

Sur toutes les questions relatives à communication, au protocole et à la sécurité, la discussion devrait être peaufinée par la mission de l’OIF qui devra séjourner au Québec du 23 au 27 septembre 2008. Elle devrait immédiatement rendre compte à la mission technique de l’OHADA, dans les meilleurs délais et par tous moyens, des derniers réglages arrêtés sur ces questions avec les services compétents de l’Organisation du Sommet. C’est ainsi que le point de presse du président Abdoulaye WADA, et la réunion de travail du Conseil des Ministres de l’OHADA, prévue le lendemain de la Conférence des chefs d’Etat, ont été annulées. Toutefois, en lieu et place, elle a été remplacée par celle extraordinaire du Conseil des Ministres de l’OHADA devant préparer les trois documents à être soumis, pour adoption, aux chefs d’Etat et de Gouvernement au cours de la conférence, à savoir : le Traité révisé et deux Déclarations3 dont, l’une mettant fin aux « Arrangements de Ndjamena » et donnant mandant aux Ministres d’adopter, dans les meilleurs délais, les règles appropriées prenant en compte les principes prévalant en la matière pour la plupart des Organisations internationales dans le recrutement des responsables des institutions, et celle sur le financement de l’OHADA. C’est au cours de cette réunion que la nouvelle rédaction de l’article 42 du Traité fut retenue après d’âpres négociations, sous la houlette de l’OIF qui a déployé des trésors d’intelligence pour parapher, très tard dans la nuit, la version définitive du Traité par les Ministres des Etats-parties non présents à cette réunion extraordinaire.

Enfin, la Conférence elle-même, s’est tenue comme initialement prévue, avec comme invité d’honneur, le président de la République de Malgache, qui a assisté au Sommet de la Francophonie. Au cours de celle-ci, notre regretté ami Robert Kossi BAGNA a improvisé le rôle de maître de cérémonie pour introduire la conférence, à ses « risques et périls ».

Sur ce, il a donné la parole au président Abdoulaye Wade, président en exercice de cette première conférence, qui a adressé ses remerciements les plus fraternels à ses pairs pour la confiance qu’ils ont bien voulu placer au Sénégal pour lui confier l’organisation de ce sommet attendu depuis belle lurette, en ce moment crucial de développement notre chère Organisation.

Avant cela, son Excellence, Maître Abdoulaye Wade a remercié, en nom et au nom des chefs d’Etat africains, le Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, Monsieur Abdou Diouf, et les autorités canadiennes d’avoir bien voulu accepter d’abriter la tenue des travaux de cette conférence, en marge du XIIème Sommet de la Francophonie.

Après avoir demandé aux Etats-parties de veiller sur les acquis de l’OHADA en les consolidant, le président Wade a insisté sur la nécessité de doter l’OHADA de nouveaux instruments nécessaires pour passer vaillamment cette étape de l’adolescence et entrer de plain-pied dans l’âge de maturité que l’urgence du développement de nos pays nous impose de rendre précoce.

C’est qu’à la vérité, disait-il, le Traité de Port Louis et « l’Arrangement de Ndjamena », ont eu le mérite d’installer la sérénité dans la période de formation de notre organisation commune en nous permettant de forger notre commune volonté de vivre unis dans un système juridique harmonisé. Par conséquent, il a invité les Etats membres à donner à l’OHADA la vigueur nécessaire, pour entrer de plain-pied et définitivement dans le cercle de référence au niveau mondial en matière de droit des affaires.

Sur ce, la Conférence a adopté le Traité révisé ainsi que les deux Déclarations sur la relecture de « l’Arrangement de N’Djamena » et sur l’application uniforme du règlement portant Il importe également de signaler que c’est grâce à l’intervention de l’OIF que les deux exemplaires du Traité révisé ont été signés par le président Paul Biya du Cameroun, qui n’était présent à la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement.

Ce Traité révisé, paraphés par les Ministres et signés par les chefs d’Etat, en deux exemplaires, a été transporté jusqu’à Paris par la délégation de l’OIF, et jusqu’à Dakar par votre serviteur. Il sera transmis officiellement au Ministère des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur pour faire l’objet d’un dépôt officiel. A partir de ce moment, le processus de ratification est déclenché, et a donné lieu à son entré en vigueur le 21 mars 2010.

En conclusion, l’OHADA, née de la volonté des Chefs d’Etat et de Gouvernement réunis à l’Ile Maurice le 17 octobre 1993, a abouti à la signature d’un premier traité multilatéral, révisé le 17 octobre 2008.

Les efforts déployés par l’OIF et l’implication personnelle de son Secrétaire Général, le président Abdou Diouf, ont permis à la présidence sénégalaise du Conseil des Ministres de l’OHADA, assisté par le Secrétariat Permanent, avec un travail doigté de feu Robert Kossi BAGNA, de faire aboutir le processus de révision dudit traité.

Sans cette concomitance d’efforts, il aurait été difficile de faire aboutir le processus de révision du Traité de Port-Louis.

Maintenant, il est clair que la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, introduite par le nouveau Traité, marque le début d’une nouvelle ère pour l’OHADA. Ce nouveau départ signa, sans doute, le renouveau de l’OHADA qui va créer les conditions « pour le développement la sécurité des affaires dans une large zone économique qui sera celle qui connaîtra dans les années 2020 et 2030 la plus forte croissance du PIB au plan mondial… »4.

Cependant, beaucoup de défis touchant l’équilibre institutionnel de l’OHADA restent à relever malgré la relecture de l’Arrangement de N’Djamena et l’adoption de nouveaux critères de sélection des responsables des institutions.

Nous espérons que ces souvenirs à travers ces quelques mots écrits en la mémoire de Robert Kossi BAGNA contribueront à apporter un peu de paix, de réconfort et d’espoir en cette période difficile que traverse notre organisation commune, unique au monde.

Veuillez croire, Messieurs le Président du Conseil des Ministres, Messieurs les Chefs d’Institutions, Experts et personnels de l’OHADA, à l’expression de notre considération émue à l’égard de l’illustre disparu, s’inférant de notre compagnonnage que pour des lettres de noblesse.

A sa Famille éplorée, aux amis et proches de notre regretté Robert Kossi BAGNA, nous présentons nos sincères condoléances et exprimons notre sympathie à l’OHADA.

Serigne MODOU DIAKHATE
Dr en Sciences criminelles et en Droit privé, Université de Paris 1 la Sorbonne
1er Secrétaire exécutif de la Commission nationale de l’OHADA du Sénégal, ancien Conseiller technique du Garde des Sceaux
Ministre de la Justice, chargé de la coopération internationale. Actuel Président de la chambre civile de la Cour d’Appel
Email : thianemodou@yahoo.fr / Tél. : (+ 221) 77 634 54 99