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L’OHADA poursuit la modernisation et la sécurisation du droit en Afrique

Dix-sept pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale se sont dotés à la fin des années 1990 d’une organisation d’harmonisation du droit des affaires dénommée OHADA. Cette organisation a adopté de règles communes créant des Actes uniformes appliqués dans tous les pays membres. Une telle avancée n’a pas d’équivalent, tant par le nombre significatif de normes harmonisées (arbitrage, comptabilité, droit des sociétés, droit commercial, procédures de redressement ou de recouvrement, transports, sûretés, etc.) que par celui de pays concernés.

Après plusieurs années d’application de normes, les instances de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) ont décidé d’ajuster celles-ci avec des modernisations en droit commercial en 2010, puis en droit des sûretés en 2011, en droit des sociétés en 2014 et en procédures collectives d’apurement de passif en 2015.

Le nouvel Acte uniforme devient effectif à compter de mars prochain
Dès le début de 2017, ce dynamisme s’est poursuivi avec l’Acte uniforme relatif à la comptabilité qui a été modernisé pour ajuster le système comptable OHADA avec l’environnement comptable international, notamment en prenant en compte les normes IFRS, par exemple, pour les sociétés cotées. Ce nouvel Acte est entré en vigueur le 1er janvier 2018, ce qui ne manquera pas de générer plus de diligences et d’attention pour les commissaires aux comptes agissant dans l’espace OHADA, ainsi que des interactions plus étroites entres les dirigeants et auditeurs sur la tenue des comptabilités simplifiées, le seuil relatif à l’éligibilité au système minimal de trésorerie, les règles spécifiques aux secteurs réglementés ou l’obligation pour les entités inscrites à une bourse ou faisant appel public à l’épargne, de produire, à l’intention des marchés financiers et autres instances, des états financiers en normes internationales IFRS.

Fin 2017, l’OHADA adoptait un nouveau texte sur la médiation pour privilégier la résolution des litiges en dehors des tribunaux. Ce nouvel Acte uniforme, effectif à partir du 15 mars prochain, vient pallier l’absence de textes en la matière dans la majorité des Etats membres de l’OHADA. Il confère à la médiation un spectre d’application large qui régit tous les processus dans lesquels les parties recourent à un tiers pour régler un à l’amiable.

Il s’agit d’une norme utile et efficace si la médiation acquiert, en vertu de ce texte, force obligatoire qui peut intervenir après homologation par un juge ou par un notaire. L’Acte permet la médiation conventionnelle ou judiciaire et peut être mené de manière ad hoc ou institutionnelle (sous l’égide d’une institution de médiation).

Le texte instaure par ailleurs des principes de gestion de la médiation tels que la confidentialité, l’indépendance, l’impartialité et le respect de la volonté des parties. Les praticiens et opérateurs de l’espace OHADA trouveront certainement avantage à la promotion de ce mode alternatif des litiges dans leurs contrats, tant la résolution locale des litiges se trouve, malgré certains progrès, souvent critiquée pour le manque de célérité ou d’impartialité.

Un dispositif plus strict pour l’exécution des sentences arbitrales
En 2017, le droit de l’arbitrage OHADA a aussi été réformé pour une entrée en vigueur le 15 mars prochain. Ce nouveau départ pour l’arbitrage OHADA, après l’adoption du premier Acte uniforme en 1999, est attendu, car jusque-là, l’arbitrage OHADA a été peu utilisé dans les clauses de la documentation relative aux grands projets d’investissements, les institutions financières internationales et les acteurs présents sur la zone préférant souvent recourir aux centres d’arbitrage plus établis, tels que la CCI (Chambre de commerce internationale), la LCIA (London court of international arbitration) ou CIRDI (Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements).

La concurrence des autres centres ouverts au niveau national ou de centres, tels que LCIA-MIAC à Maurice ou le CRCICA (The Cairo regional center for international commercial arbitration) au Caire, constitue également une alternative à la CCJA (Cour Commune de Justice et d’arbitrage) qui régit l’arbitrage OHADA depuis Abidjan et souhaiterait acquérir une stature régionale et continentale.

La nouvelle norme OHADA veut donc se faire une place de choix et assurer son avenir. Pour cela, l’OHADA a décidé de renforcer la capacité de faire exécuter les sentences arbitrales au plus vite par un dispositif très strict. Elle a aussi mis l’accent sur la conduite rapide des procédures arbitrales avec limitation des délais de recours (par exemple, délais restreints pour une constitution rapide du tribunal ou pour le recours en annulation de la sentence arbitrale) ou d’obtention d’exequatur (à défaut de décision par la justice étatique saisie dans les 15 jours de sa saisine, l’exequatur est réputé avoir été accordé). Le nouvel Acte uniforme permet même aux parties d’expressément renoncer à un recours en annulation.

Dans les nouveautés, il faut par ailleurs noter que l’arbitrage peut être fondé sur une convention d’arbitrage ou des traités ou codes d’investissements, ce qui renforce le potentiel de recours à l’arbitrage OHADA dans le cadre des projets d’investissements majeurs qui sont nombreux en Afrique. Dans le même esprit, toute personne morale de droit public, dont l’Etat , les collectivités territoriales et établissements publics peuvent désormais être parties à un arbitrage OHADA.

L’une des questions fondamentales que l’OHADA n’a pas résolues totalement depuis sa création est sa visibilité et les ressources pour assurer son rayonnement. La mise en œuvre de ces Actes uniformes sera un nouveau test à cet égard, mais la mobilisation de moyens humains et financiers au sein de la CCJA sera clef pour donner un nouvel élan à ces réformes et plus encore à celle sur l’arbitrage.

Toutes ces réformes sont le signe d’un droit africain dynamique et moderne. Il faut encourager ces efforts et accompagner le dynamisme du Continent pour mieux faire connaître ces normes et que le droit soit un véritable vecteur de croissance économique et sociale. Toutefois, le progrès du droit en Afrique ne se mesurera pas en quelques mois. Plusieurs années, voire des décennies seront nécessaires pour vérifier si l’OHADA a pu établir son modèle au niveau régional.

Boris Martor, avocat associé, Eversheds Sutherland – afrique.latribune.fr | 26/01/2018